Dépaysement quotidien

Bolivia
Publish by : Myriam L.
C’est peut-être cette frénésie. Ce sentiment de vivre quelque chose de différent. C’est peut-être ces odeurs, ces paysages, ces regards que l’on recherche et qui n’ont rien à voir avec notre quotidien au Canada… Multiples sont les raisons de voyager en pays étrangers. La Bolivie est si différente de ce que j’avais imaginé. Je la vois beaucoup plus pauvre que ce que je croyais. Elle ressemble à mes yeux beaucoup plus à Tamanrasset, ville algérienne dans le milieu du Sahara, qu’à un pays de l’Amérique du Sud. C’est peut-être l’air sec dû à l’altitude qui me donne cette impression, ou la couleur rouge du sable et de la terre qui couvrent les rues. LE QUOTIDIEN DIFFÉRENT Simplement prendre le mini-bus le matin pour me rendre au travail est un moment d’action. À peine réveillée, je suis rapidement sortie de ma zone de confort après un café instant et un bout de pain. Je dois traverser le boulevard où camions de cargaison et mini-bus klaxonnent avec acharnement, et où une douzaine de chiens aboient et se disputent au milieu des vidanges tout en faisant relever la sable partout où ils courent. Je couvre mes voies respiratoires et pense à ce voisin de mon âge qui s’est fait frappé il y a 3 jours. Le courage me manque pour courir entre les voitures. Suis-je simplement assez réveillée pour faire cela? Je réussis toujours à passer pourtant. Maintenant de l’autre côté de la rue, vient le temps de la recherche de mini-bus. Je lève le bras à la hauteur de mes hanches chaque fois que j’ai espoir que l’un s’arrête. Une quinzaine de mini-bus passe habituellement avant que je puisse embarquer. Et lorsque je trouve enfin une place à bord, je me retrouve coincée dans un siège trop petit pour moi, inconfortable pour l’heure de transport qui suivra. Je ne sais pas… est-ce cela que l’on recherche lorsqu’on voyage? Peut-être. On veut être poussé au bout de nos limites. On veut essayer de comprendre ce qui est différent, ce qu’on ne comprendra pas. On veut voir le monde sous un autre angle, on veut sentir et goûter autre chose. LE CERVEAU OCCIDENTAL Pourquoi est-ce qu’un mini-bus rempli de passagers s’arrêterait en pleine heure de pointe pour faire le plein dans une station service, forçant ainsi tout le monde à descendre et attendre quelques minutes? Dans mon cerveau occidental, il n’y a aucune logique là-dedans. C’est tout simplement un mauvais service que de demander à tout le monde d’ajouter une dizaine de minutes à leur trajet parce que le plein n’a pas été fait avant. Puis vient rapidement le sentiment de culpabilité de penser à l’occidentale. Je ne comprends rien du pourquoi et du comment les gens agissent, mais n’est-ce pas ce que je suis venue expérimenter? Pourquoi si rapidement j’ai l’impression que la façon de faire occidentale est meilleure et la plus efficace? Peut-être l’est-elle. Je ne suis pourtant pas venue pour juger, mais pourquoi chaque fois que je vois quelque chose de différent j’ai l’impression de savoir mieux? C’est difficile d’être confrontée à cette partie de soi-même. C’est exigeant de voir combien notre cerveau est programmé à juger, comparer. Il est difficile de seulement accepter notre entourage sans porter un regard critique. Je m’y entraîne… LES RUES BONDÉES Et il y a aussi ces femmes au milieu du trafic qui vendent jus, papier de toilette ou chicklets. Enfants ou femmes sont assis sur le bord du trottoir, respirant la poussière de sable toute la journée, pour placer ces précieux petits paquets de gomme chicklet sur une couverte en espérant que les passants s’arrêtent pour en acheter. Parfois il y a beaucoup plus. Chocolats, clés usb, foulards, tuques, semelles de souliers… il y a de tout, partout sur la rue bondée. C’est de façon constante que tout étonne, que tout dérange un peu. C’est peut-être ce dépaysement que nous cherchons. Tout est si différent, toujours. Et partout les déchets; les montagnes de déchets attirant chiens, moutons, oiseaux. Tout  est si différent que je ne peux m’empêcher de juger parfois…Mais une chose reste pareil pourtant : l’amour. J’ai la chance d’habiter avec 2 femmes aymaras qui prennent un grand soin de moi. J’ai été malade il y a quelques semaines, et j’ai reçu de leur part multiples potions et remèdes. Elles m’ont aussi frictionné le dos et le ventre, en plus de me donner plusieurs couvertures d’extra pour me garder au chaud. Je constate donc que par-dessous tout ce qui est différent et qui dérange, il y a l’amour. L’amour d’une femme reste le même malgré la langue, le pays, la culture. On sait comment prendre soin et aimer de façon universelle. Peut-être est-ce cet amour que l’on recherche en fin de compte lorsqu’on voyage? On recherche ce rapprochement humain à travers tout ce qui dérange.

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