La pauvreté n’est pas que matérielle. La pauvreté part avant tout de l’éducation. Pas d’éducation, pas de croissance. L’éducation, c’est aussi apprendre à se respecter en tant que personne. C’est d’appliquer des règles d’hygiène de base pour sa propre santé, et c’est aussi de savoir que notre corps nous appartient.
Je suis sortie dans la communauté, dans les montagnes, 3 fois jusqu’à présent. Il y a encore beaucoup à faire pour l’éducation sur l’hygiène corporelle dans les communautés. Les odeurs ne sont pas toujours agréables, et les enfants, traînant un peu partout dans les chemins de terre, ont quelques couches de poussière sur eux. J’en ai manipulé quelques-uns aux fins de mesure pour leur courbe de croissance, et j’aurais aimé me laver les mains, car j’ai absorbé un peu de leur saleté, cheveux croutés, larmes, voir morve!
Ce qui m’a cependant le plus perturbé dans ces sorties, c’est l’estimation de l’âge des mères que j’ai pu faire. Les filles qui y amènent leurs enfants sont souvent très jeunes. Celle sur laquelle j’ai le plus attardé mon attention, ne semblait pas avoir plus de 18 ans alors qu’elle avait trois enfants avec elle!
De retour au bureau, j’ai eu une discussion avec le Docteur Wilson à ce sujet. Il me raconte qu’il n’est pas rare dans les communautés que les filles se marient à 12 ans, parfois avec des garçons de leur âge, mais souvent avec des hommes beaucoup plus matures, parfois de 25 à 30 ans. Les familles s’entendent sur les unions entre leurs enfants et malheureusement, les jeunes filles perdent leur innocence beaucoup trop jeune.
Il y a également des viols à l’intérieur des cellules familiales, la jeune fille peut tomber enceinte du père, de l’oncle, d’un frère. Les mères, quant à elles, se taisent ou décident d’ignorer ce que leur fille leur raconte, par peur. Elles ont peur de détruire la famille, que le mari aille en prison alors qu’il apporte le seul revenu de la famille. C’est aussi ce manque d’éducation qui ne leur permet pas de comprendre que cette réalité n’est pas acceptable. Une mère ayant subi ce traitement s’inquiète plus ou moins que sa fille subisse le même sort, puisqu’ainsi est la vie pour elles!
Résultat, plusieurs jeunes femmes ont des cancers prématurés du col de l’utérus causés par les relations sexuelles ou grossesses en trop bas âge. Quelques décès de jeunes femmes dans le début de leur vingtaine d’années y seraient reliés.
Les sujets de sexualité et de viol sont évidement des tabous. Le docteur essaie de poser des questions lors de ses courtes consultations, car il est aussi de son devoir de dénoncer les actes répréhensibles. Mais, il doit contourner la question, car les filles ont peur de répondre, elles se sentent menacées.
En décembre 2015, une loi est passée pour interdire les mariages avec les mineurs. Y aura t-il plus de dénonciations en ce qui a trait aux unions libres, et aux grossesses des filles mineures? À voir…