Histoire de réussites

Une école politique pour les femmes Maya du Guatemala

Guatemala
Publié par : Dominique Doutreligne

Diplomado Ixoqib’Kamalb’e, l’école des femmes qui ouvrent le chemin.

Récemment, un chiffre dans un rapport de l'Unicef m’a particulièrement marquée: au Guatemala, un enfant sur deux est atteint de dénutrition chronique. Ce chiffre atteint 61 % chez les enfants Maya.

Ces statistiques posent une question cruciale: comment un pays pourtant si riche en abondances naturelles peut-il occuper le premier rang en Amérique latine en matière de dénutrition chronique?

L’histoire du Guatemala est marquée par de profondes blessures. Entre 1960 et 1996, le conflit armé interne a coûté la vie à près de 250 000 personnes, majoritairement autochtones. Ce fut un génocide soutenu par les États-Unis contre les peuples autochtones.

Les communautés autochtones ont été à la fois sujets et actrices dans le conflit. Aujourd’hui encore, elles continuent de vivre les conséquences des inégalités structurelles héritées de la colonisation espagnole. Mais beaucoup de ces communautés représentent aussi une force redoutable, capable de se mobiliser pour des enjeux politiques actuels.

Il est important de rappeler que bien que des guerres, des conflits et des tensions existaient avant l’arrivée des européen-ne-s sur le continent américain, le règne Maya était composé de société sophistiquées et vibrantes, vivant en harmonie avec la nature.


Un enjeu de société: l’équité entre les genres

L’Organisation mondiale de la santé souligne qu’aucun développement durable n’est possible sans équité entre les genres et respect des droits humains.

Or, au Guatemala, les femmes et les jeunes filles, en particulier celles issues des communautés autochtones, affrontent encore de nombreux obstacles: conditions de vie précaires, difficultés d’accès à l’éducation, aux soins de santé, à l’eau potable et aux opportunités économiques.

L’éducation sexuelle et reproductive reste un sujet tabou, y compris dans l’enseignement public. L’aborder ouvertement et avec respect pourrait permettre aux femmes et aux filles autochtones de renforcer leur autonomie et de choisir leur avenir.

Une réponse locale: le Diplomado Ixoqib’Kamalb’e’

C’est dans ce contexte que le Centre de développement rural de l’Ouest du Guatemala (CDRO), avec qui je travaille, a lancé le Diplomado Ixoqib’Kamalb’e, l’école des femmes qui ouvrent le chemin.

CDRO oeuvre avec la population rurale dans les départements de Sololá, Chimaltenango, El Quiché, Alta et Baja Verapaz, Sacatepéquez et Guatemala Ciudad.

Cette initiative vise à créer un espace sûr et inclusif où les femmes des communautés Quiché et Mam peuvent développer leurs connaissances, compétences et leadership.

Inauguré le 1er juillet 2025, le programme dure six mois et comprend quatre modules de formation ainsi que deux panels d’échanges.

Les thématiques vont de l’identité institutionnelle de CDRO à la cosmovision maya contemporaine, en passant par les relations professionnelles saines, le leadership et la politique communautaire.

Le premier panel, réalisé en octobre 2025 a réunit deux mairesses et une députée d’origine Maya. La réflexion portait sur la représentativité des femmes Maya dans les événements nationaux et internationaux et sur l’importance de faire prévaloir leurs valeurs et principes dans les espaces publics et au sein de leurs organisations communautaires.

Pour le second panel, une femme leader autochtone du Canada sera invitée, afin d’amorcer un dialogue interculturel sur les réalités vécues par les femmes autochtones dans leurs territoires respectifs. Les échanges aborderont la santé, l’assistance légale, le soutien psychologique, l’éducation et la participation communautaire.

Au cœur de ce projet: la conviction que les femmes peuvent être des modèles de changement social dans la politique communautaire.

Une inauguration porteuse de sens

Lors de l’inauguration, Pilar Gómez, chargée du programme de coopération volontaire du CECI Guatemala (PCV), a rappelé avec force:

« Aujourd’hui, nous ne sommes pas ici simplement pour inaugurer une école. Nous sommes ici pour allumer une étincelle. Une étincelle qui nous rappelle qu’aucune femme ne naît en sachant s’exprimer dans une communauté dirigée par des hommes qui doutent souvent d’elles… Mais chaque femme porte en elle la force de l’apprendre, de le changer et de le diriger. »

Ce message incarne l’esprit de l’initiative : offrir aux femmes Mam et Quiché vivant dans les régions où œuvre CDRO des outils concrets pour participer aux décisions qui les concernent, transformer les dynamiques de pouvoir et bâtir des communautés plus justes et inclusives.

Une aventure à suivre

Le Diplomado Ixoqib’Kamalb’e ne constitue pas une fin en soi, mais bien le début d’un processus. Avec l’énergie et la détermination des participantes, le travail de CDRO et l’engagement des volontaires CECI, cette école politique ouvre la voie à de nouvelles perspectives pour l’égalité et la justice sociale au Guatemala.

Dominique Doutreligne, Volontaire pour le CECI au Guatemala, Quetzaltenango

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