
Nouvelle
Le CECI, en collaboration avec le Réseau québécois en études féministes (RéQEF), a organisé le 10 décembre 2025 à l’UQAM le panel « Violences basées sur le genre et droits sexuels et reproductifs : expériences et réflexions croisées », à l’occasion de la clôture de la campagne internationale des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre (VBG).
Animé par Marina Mathieu, l’événement a réuni des voix féministes fortes issues du milieu académique, de la coopération internationale et des mouvements de femmes.
Nesrine Boussaih, professeure au Département de sexologie de l’UQAM et membre du RéQEF, a abordé la justice reproductive à partir d’une analyse des oppressions croisées vécues par les femmes dans l’accès aux services de santé. Elle a rappelé qu’il est impératif de :
« Reconnaître le racisme systémique et la manière dont il affecte la vie quotidienne des personnes racisées et des personnes autochtones, incluant leur vie sexuelle et reproductive »,
tout en proposant des pistes concrètes pour traduire ces principes en pratiques institutionnelles.
Marie Frantz Joachim, directrice de Solidarité Fanm Ayisyèn (SOFA) en Haïti, a livré un témoignage puissant sur la lutte contre les VBG et les droits à la santé sexuelle et reproductive dans un contexte sécuritaire fragile. Elle a dressé un constat sans détour :
« Ce que nous observons aujourd’hui, c’est une entreprise systémique de contrôle : contrôle des corps, contrôle des mobilités, contrôle même de la possibilité de vivre sans peur. »
Elle a démontré l’importance de penser les VBG et les droits à la santé sexuelle et reproductive comme un champ unifié, et souligné la force des organisations de femmes qui, malgré les violences, continuent d’agir avec dignité, stratégie et conviction :
« Maintenir la justice reproductive au centre des agendas nécessite de dépasser les limites de l’humanitaire et d’assumer le positionnement politique de l’approche féministe, car c’est seulement ainsi que les causes profondes des VBG peuvent être attaquées. »
Julie Théroux-Séguin, leader thématique principale – Droits des femmes et des filles au CECI, a proposé une analyse croisée entre savoirs traditionnels et technologies numériques, souvent perçus comme opposés. À partir d’expériences au Guatemala et au Mali, elle a montré comment ces approches sont en réalité complémentaires pour soutenir les adolescentes confrontées aux VBG et aux tabous entourant la santé sexuelle et reproductive. Elle a rappelé que nombre d’adolescentes entrent dans des cycles de silence et d’isolement, et que :
« Briser l’isolement des adolescentes, physique, social et psychologique, peut passer par la création de tiers-espaces féministes, qu’ils soient de proximité avec les savoirs traditionnels des sages-femmes ou virtuels avec des applications mobiles plus anonymes. Ces espaces permettent de soutenir l’agentivité, en articulant savoirs endogènes, technologies émergentes et dynamiques sociales en transformation. »
En conclusion, les échanges ont mis en lumière des expériences concrètes et des stratégies de résistance issues d’initiatives menées en Haïti, au Mali, au Guatemala, au Canada et ailleurs. Ce panel a rappelé une chose essentielle : la lutte contre les VBG et la défense des droits à la santé sexuelle et reproductive sont indissociables, profondément politiques, et ne peuvent se construire sans les savoirs, les voix et le leadership des femmes elles-mêmes.