Nouvelle
Cet article du Groupe de réflexion sur le développement international et la coopération (GREDIC) a été publié dans Le Devoir et dans La Presse.
L'Association Mondiale des Grandes Métropole ( Métropolis) tiendra son 12ème congrès au Québec, à Montréal, la semaine prochaine. Ce congrès donnera aux maires et élus (es) présents l'occasion de réfléchir aux enjeux globaux auxquels sont confrontées les agglomérations urbaines. Cette grande rencontre internationale se tient à quelques mois de l'adoption à Quito, en octobre 2016 , du Nouvel Agenda Urbain . Ratifié par l'Assemblée générale des Nations Unies, ce texte fondamental définissant un Nouveau Programme pour les villes (document 71/256 du 23 décembre 2016) mérite d'être connu et médité.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, notre planète a connu une urbanisation accélérée. Plus de 50% de la population mondiale vit maintenant dans des villes. Selon les prévisions, ce sera 60% en 2030 et 70% en 2050. On compte désormais près d'une trentaine de villes de plus de 10 millions d'habitants. Cinq agglomérations urbaines ont plus de 20 millions d'habitants.
Sur plusieurs continents, notamment en Afrique, l'exode vers les villes a connu une ampleur phénoménale. La pauvreté dramatique que l'on trouve dans le monde rural explique en grande partie ce phénomène. En Guinée, Conakry qui avait 59 000 habitants en 1959 en compte maintenant plus de 3 millions. Nouakchott la capitale de la Mauritanie était un campement de nomades dans les années 1950. Sa population avoisine maintenant le million d'habitants. Kinshasa, la capitale de la RDC est passée pour sa part de 1 million d'habitants en 1970 à plus de 12 millions maintenant.
Les signataires de ce texte, anciens directeurs généraux d'organismes de développement international connaissent l'incroyable pauvreté – pour ne pas dire la misère - que l'on trouve dans les villes de plusieurs pays en développement. Et pour leurs populations, il ne s'agit pas seulement de pénuries individuelles mais bien d'une pauvreté collective : égouts à ciel ouvert, montagnes de déchet, routes décaties, transport collectif inexistant, logements inadéquats, qualité de l'air préoccupante, insalubrité généralisée, services publics déficients. Vivre dans ces villes, c'est souvent partager une extrême pauvreté.
À l'égard de cette situation, Le Nouvel Agenda Urbain constitue une lueur d'espoir en identifiant les problèmes auxquels il faut s'attaquer en priorité et des pistes de solution correspondantes. Trois de ces problèmes retiennent particulièrement notre attention : la question de la gouvernance, celle de la fiscalité locale et celle de la participation de la société civile à la gestion des villes.
La gouvernance urbaine
Qu'on le veuille ou non, les villes du monde souffrent énormément à cause du modèle des ÉtatsNations hérité du XlXe siècle et qui ne correspond pas à la réalité de l'urbanisation accélérée des 50 dernières années. Les autorités locales sont souvent vues et définies comme des niveaux de pouvoir « inférieurs » n'ayant pas l'importance des gouvernements nationaux ou infranationaux et ne «méritant» pas d'être traités comme des gouvernements sérieux. Historiquement, les gouvernements nationaux ont hérité des pouvoirs les plus substantiels ainsi que des champs fiscaux les plus lucratifs ne laissant aux autorités locales que les miettes tombant de la table du riche. Quant à la démocratie locale, elle est souvent considérée comme la ligue mineure de la scène politique.
Au Canada par exemple, ce n'est que récemment que les gouvernements dits « supérieurs » ont daigné s'intéresser au problème de la dégradation des infrastructures urbaines et qu'ils concèdent un minuscule 1% de la taxe d'accise sur l'essence pour procéder aux réparations nécessaires. On a bien vu ce que de telles politiques ont donné dans des villes vieillissantes comme Montréal. Voulons-nous que 50% de la population mondiale soit traitée comme les parents pauvres d'un système de gouvernance inadapté à la nouvelle réalité urbaine?
Ce qui est vrai dans les pays industrialisés, l'est encore plus dans les pays en voie de développement (PVD). Pour sortir les villes de ces pays de leur pauvreté, il est donc urgent de favoriser l'émergence de gouvernements locaux disposant des pouvoirs nécessaires pour gérer les affaires urbaines. Les maires et élus locaux réunis à Quito en octobre 2016 ne s'y sont pas trompés en écrivant dans leur déclaration finale : « Nous saluons l'usage du terme « gouvernements locaux » tout au long du texte » du Nouvel Agenda Urbain, affirmant de ce fait que le palier municipal et métropolitain devrait avoir un statut constitutionnel égal à celui des autorités nationales.
La fiscalité locale et les droits fonciers
Par ailleurs, il ne s'agit pas simplement de créer des gouvernements locaux efficaces. Il faut également leur donner les moyens financiers d'intervenir de façon significative. Or, dans plusieurs pays en développement, établir une fiscalité locale constitue un défi. S'étant développées de façon anarchique, les immenses agglomérations urbaines des PVD n'ont pas de cadastre sur une bonne partie de leur territoire, donc pas de système de renforcement de la sécurité des droits fonciers. De nombreuses zones n'ont ni noms de rue ni adresses. Les plus riches se retranchent dans des quartiers protégés plutôt que de contribuer à l'amélioration de la situation par l'impôt foncier.
Il est donc essentiel que ces villes soient aidées de manière à introduire des cadastres et des systèmes d'enregistrement des droits fonciers qui non seulement leur permettront de générer des revenus fiscaux mais qui, également, ouvriront aux citoyens l'accès au crédit hypothécaire et ce faisant à l'amélioration des logements.
La démocratie et l'implication de la société civile
Enfin, on ne saurait trop souligner l'importance de la participation civique de tous sans discrimination d'origine, de sexe ou de croyances religieuses. Les villes doivent être des lieux de démocratie, d'égalité, de transparence et d'imputabilité. Comme l'a souvent souligné cette grande dame de l'architecture et de l'urbanisme qu'est madame Phyllis Lambert, aménager le territoire sans tenir compte de l'avis des résidents est une erreur. C'est en associant les citoyens et la société civile à l'effort des gouvernements locaux que, comme nous le souligne le Nouvel Agenda Urbain, ... « nous pourrons assurer progressivement le droit à un logement convenable...l'accès universel et pour un prix abordable à l'eau potable et à des installation sanitaires sûres, l'accès pour tous, dans des conditions d'égalité, aux biens publics et à des services de qualité dans des domaines tels que la sécurité alimentaire, la nutrition, la santé, l'éducation, les infrastructures, la mobilité, les transports, l'énergie, la qualité de l'air...»
Nous souhaitons bonne chance à tous les maires et aux élus qui participeront au 12e congrès mondial de Métropolis. Leurs travaux sont essentiels à la convivialité de la vie urbaine au XXIe siècle.
Les membres du Groupe de réflexion sur le développement international et la coopération (GREDIC) : Robert Letendre, Nigel Martin, Yves Pétillon , Mario Renaud, Nicole Saint-Martin, Pierre Véronneau.