Nouvelle
L’ouragan Matthew, qui a frappé Haïti le 4 octobre 2016 est responsable de la plus grave crise humanitaire en Haïti depuis le séisme de 2010. Matthew a causé des pertes majeures à travers le pays, surtout dans la péninsule du sud-ouest, dévastant la production agricole et causant des dommages importants aux maisons et aux infrastructures.
Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations-Unies en Haïti (OCHA) estimait à 2,1 millions le nombre de personnes sévèrement affectées par l’ouragan à travers le pays[1] dans les semaines suivant son passage. Dans son rapport 2017-2018, OCHA estime que 1,4 millions des personnes victimes de Matthew ont encore des besoins en termes d’eau et assainissement, d’abris et de protection et de moyens de subsistance[2].
L'impact de l'ouragan s'est ajouté aux besoins humanitaires préexistants dans tout le pays, provoqués par l'épidémie de choléra, la sécheresse causée par El Niño ainsi que la crise migratoire binationale et les déplacements dus au séisme de 2010. Le travail doit se poursuivre pour permettre aux familles de retourner chez elles et de retrouver leurs moyens de subsistance, notamment l’agriculture et l’élevage.
Au lendemain du passage du cyclone, le CECI a mobilisé des moyens pour venir rapidement en aide aux victimes, dans les communes des Cayes, de Maniche, de Camp-Perrin et de Beaumont, grâce à l’appui financier du gouvernement du Québec, du gouvernement du Canada, de la Fondation Roncalli et des dons du public. Ces actions ponctuelles ont permis de donner un appui à deux municipalités (Maniche et Camp-Perrin) et à la communauté de Gelée (Cayes), en distribuant des outils de nettoyage tels que des pelles, des brouettes et des haches, et en remettant les routes en état. Ces actions ont également permis de donner un appui aux familles touchées, en distribuant des trousses alimentaires et non alimentaires et des pastilles de traitement d’eau à 1 040 familles, dont plus de 60% de femmes. Ces trousses, dont la composition a permis de répondre aux besoins réels des femmes et des hommes dans le contexte post-cyclonique, ont connu un grand succès localement.
Suite au travail de concertation des comités de soutien qui ont été mis en place pour représenter les communautés locales (composés notamment de femmes, jeunes, chefs religieux, techniciens agricoles et autorités locales), il a été décidé de cibler nos activités sur la réparation des toits des maisons de 452 familles afin de leur permettre de retourner y vivre rapidement. L’intervention ciblait en priorité les familles monoparentales dirigées par des femmes, qui représentent 44% des ménages dans cette région. Le CECI a réparé 28% des maisons endommagées dans le quartier Sous-Roche, aux Cayes, 10% des maisons à la section communale de Melon (Maniche), 5% des maisons à Camp Perrin (2ème section communale de Champlois) et 47% des maisons dans les localités de Di Lagon, Nan Ginen et Nan Kafe (Beaumont). L’achat de matériaux et de petit matériel pour la réparation des maisons a été fait sur place pour soutenir le marché local. De plus, le projet a permis la mise à jour des bonnes pratiques pour les artisans locaux formés et accompagnés par les ingénieurs du CECI.
Le projet a également apporté un soutien à la reprise de l’activité agricole de 3 185 ménages, en fournissant des intrants ciblés selon les habitudes de culture des familles. Enfin, 350 femmes qui détenaient une activité économique avant l’ouragan, ont été sélectionnées pour une recapitalisation économique et ont bénéficié d’une formation en gestion financière pour renforcer leurs capacités.
« J’avais tout perdu lors du passage de l’ouragan Matthew : ma maison, mon commerce, mon jardin, ainsi que le bétail. J’étais aux abois car je n’avais reçu aucune assistance. Mais la subvention du CECI m’a permis de remonter la pente et je tiens à nouveau mon commerce. » - Michelle Marcelon, Camp-Perrin
Grâce à l’appui financier du gouvernement du Canada jusqu’en mars 2018, le CECI a pu continuer ses efforts et étendre son action à deux communes supplémentaires : Jérémie et Roseaux. Des activités de prévention des violences et d’hygiène ont également pu être mises en place pour compléter les services offerts aux populations.
À travers cette nouvelle phase, 300 femmes ont pu bénéficier jusqu’à présent de fonds pour redémarrer leur commerce et leurs activités économiques (dont les deux tiers dans les nouvelles communes); 2 500 agriculteurs et agricultrices (sur 1 400 prévus) ont reçu des semences de bananes, d’ignames et de cocotiers, avec une formation en techniques améliorées de plantation et un suivi en culture des champs par nos équipes d’expert et expertes; 223 maisons ont pu être réparées alors que 317 autres sont déjà ciblées pour la remise en état des toits à l’aide de tôles et de matériaux de construction, par des artisans embauchés pour soutenir les familles. Une charpentière et une maçonne, formées dans le cadre d’un projet du CECI à Port au Prince, ont mis leurs connaissances au bénéfice du projet en formant les artisans locaux. Cette méthode d’intervention est un aussi un moyen de démystifier les métiers de la construction en milieu rural, et de montrer aux femmes cheffes de famille qu’elles peuvent, elles aussi, réparer leurs maisons.
Un quatrième volet du projet permettra de mettre en place des brigades féminines pour lutter contre la propagation du choléra grâce à une meilleure hygiène et à un meilleur traitement de l’eau, et pour partager des connaissances de base en nutrition en contexte de pénurie. Ces brigadières, en lien avec les structures locales communautaires et de santé et les organisations de femmes, organiseront aussi des séances de sensibilisation pour prévenir les violences faites aux femmes, pour les encourager à suivre des soins et à dénoncer les violences dont elles sont victimes.
À l’heure actuelle, les besoins sont encore grands. Certaines communes n’ont encore bénéficié d’aucun soutien humanitaire depuis le passage de l’ouragan. Les familles ont adopté des stratégies de survie néfastes : les jeunes partent vers d’autres zones et de plus en plus de femmes, fragilisées et sans aucune assistance, risquent de se tourner vers la prostitution. Des familles vivent encore dans des camps de déplacés avec peu d’espoir de revoir leurs maisons, ou habitent chez des proches, mais loin de chez eux, ce qui alourdit le poids pour les familles qui les accueillent. Il est donc nécessaire de continuer notre intervention pour soutenir les familles les plus vulnérables, pour leur permettre de regagner l’espoir et de reprendre une vie normale, dans des conditions sécuritaires.
Pour soutenir les victimes de l’ouragan Matthew, donnez!