Nouvelle
« Le plus beau lac du monde ». C’est en ces termes qu’Alexander von Humboldt avait, au 19ème siècle, qualifié le lac Atitlán. Le fameux explorateur et géographe allemand avait été subjugué par la clarté des eaux et le décor enchanteur qui entoure cette étendue d’eau nichée à plus de 1 500 mètres d’altitude au cœur du Guatemala. Surplombé par trois volcans, abritant plusieurs sites archéologiques immergés, le lac Atitlán constitue toujours un enchantement pour ceux qui le découvrent, et demeure un lieu sacré pour les communautés mayas qui habitent le long de ses rives.
Mais le lac le plus profond d’Amérique centrale est aussi un écosystème extrêmement fragile et vulnérable. La faible conscience environnementale de la population locale et l’inefficacité des infrastructures de collecte des résidus solides engendrent, depuis des années, une détérioration progressive de ce bassin pourtant vital pour les communautés avoisinantes. Elles font peser sur le lac Atitlán la menace croissante d’une contamination massive dont l’impact pourrait être dévastateur.
Par le biais de son programme de coopération volontaire et de développement international Uniterra, le CECI est impliqué depuis 2014 aux côtés de divers partenaires qui œuvrent à la conservation, la préservation et la protection du lac Atitlán. Son objectif est double : environnemental, bien entendu, en participant à la sauvegarde de ce qui constitue l’une des réserves d’eau douce les plus importantes du sous-continent ; mais aussi économique, en visant, au travers de l’instauration d’un système de gestion des déchets recyclables amélioré, le renforcement du pouvoir économique des femmes.
Pendant trois ans, le programme Uniterra a ainsi travaillé avec l’Autorité pour la gestion durable du bassin du Lac Atitlán et ses environs (AMSCLAE) à l'implentation d'un projet qui visait à mettre en place un processus de traitement et de gestion des déchets solides dans quelques municipalités avoisinantes. Travaillant en étroite collaboration avec l’organisme gouvernemental guatémaltèque, les volontaires du programme Uniterra ont appuyé différentes phases du projet Pro-Atitlán: des ateliers et des campagnes de sensibilisation de la population, la mise en place de règlements municipaux comprenant dans certaines communautés l’interdiction de sacs en plastique et d’outils d’éducation environnementale, etc.
Le projet Atitlán Recicla actuel, qui a débuté au courant de l’été 2017, s’inscrit dans la continuité du précédent projet, mais en élargit la portée. S’il comporte toujours un volet d’éducation environnementale visant à sensibiliser un nombre croissant d’habitant-e-s à l’importance du recyclage des déchets solides, il entend surtout consolider le processus de collecte, de tri et de revente des produits recyclables.
Grâce au renforcement de liens d’affaire entre les communautés indigènes elles-mêmes, à la création de six centres de collecte de résidus solides ou encore à l’établissement de partenariats et à la négociation de contrats avec le secteur privé pour la commercialisation des matériaux recyclables, le projet Atitlán Recicla travaille à renforcer le processus de prise en charge et de traitement des déchets. Ce faisant, il vise bien entendu à limiter la pollution du lac et améliorer la qualité de vie des habitant-e-s, mais aussi à engendrer de nouvelles activités créatrices d’emplois et de revenus pour les femmes.
Désormais, ce sont neuf municipalités du département de Sololá, soit un bassin de quelque 150 000 personnes, qui sont concernées par ce projet, financé par le programme Uniterra et la Central America Bottling Corporation, une entreprise d’embouteillage privée. Dans ces communautés majoritairement indigènes du sud-ouest du Guatemala, on estime le taux de participation à 70 %.
« Dans chaque municipalité, des groupes de femmes ont été constitués et ce sont elles qui sont au cœur de chaque étape du projet, depuis les campagnes de sensibilisation de la population jusqu’à la commercialisation des produits recyclables, en passant par la gestion des centres de collecte » explique Bárbara Rebeca Ajtujal Quiejú, agente de promotion environnementale à l’Association des Amis du Lac Atitlán (AALA – Asociación de Amigos del Lago de Atitlán), l’organisme phare partenaire du programme Uniterra dans le cadre de ce projet.
« Ce sont près de 130 femmes, réparties en 23 groupes, qui ont bénéficié de formations. Certaines vont dans les maisons, les magasins et les écoles pour poursuivre le travail de sensibilisation et collecter les déchets. D’autres travaillent dans les centres de collecte où elles dirigent les opérations de tri, de stockage et de commercialisation du matériel recyclable ».
Par l’intermédiaire de l’AALA, une première vente de matériel recyclable a eu lieu en mars 2018. Ce sont plus de 40 tonnes de produits qui ont été achetés. Au total, 4 ventes ont été réalisées durant l’an passé, générant des revenus estimés à quelque 20 000 dollars canadiens, une manne qui bénéficie directement aux femmes et à leurs familles.
« Ce projet est un formidable outil d’émancipation, commente Bárbara Rebeca Ajtujal Quiejú. D’abord pour les femmes elles-mêmes qui gagnent en indépendance financière mais aussi en assurance et en confiance en soi, grâce aux formations qu’elles suivent et aux responsabilités qui leur sont confiées. Elles n’ont plus peur de prendre leur place dans la communauté et d’entreprendre des choses. Mais c’est aussi une chance pour les plus jeunes, car dans ma culture les filles ont la chance d’aller à l’école seulement si leurs mères ont l’argent pour les y envoyer. Sans oublier que les hommes prennent conscience que les femmes ont les capacités de faire beaucoup plus que leurs tâches habituelles. En ce sens, le projet contribue à changer les mentalités et ouvre de nouvelles portes pour les femmes. »
Bárbara Rebeca Ajtujal Quiejú souligne le travail déterminant réalisé par les volontaires du programme Uniterra, présent-e-s à toutes les étapes du projet, des levées de fonds aux campagnes de sensibilisation, en passant par les études de marchés et les stratégies de communication, et se félicite des résultats atteints.
Pour autant, l’agente de promotion environnementale de l’Association des Amis du Lac Atitlán estime qu’il ne s’agit que d’une première étape. « Maintenant que ces femmes ont des revenus, il faut continuer à les appuyer, à améliorer leurs capacités, leur donner des outils pour qu’elles puissent par exemple créer et gérer des petites entreprises; Les aider à être encore plus fortes, les accompagner pour qu’elles puissent se constituer en coopératives. » Les idées ne manquent pas. Et c’est tant mieux!
Trois nouvelles municipalités du département de Sololá devraient intégrer le projet Atitlán Recicla en 2020.