Nouvelle
Pour protéger la population de la pandémie de la Covid-19, les gouvernements en Afrique de l’Ouest ont fermé rapidement leurs frontières et mis en place des mesures qui comportent des restrictions de déplacements, la fermeture des lieux de rassemblement (dont les marchés, écoles et lieux de culte) et à certaines périodes même de couvre-feu forçant les gens de rentrer chez eux le soir. Les communautés rurales dans ces régions dépendent nécessairement pour se nourrir de leurs productions agricoles et des revenus de la vente de ces produits pour l’achat d’aliments complémentaires. Dans le Nord du Sénégal, proche du Delta du fleuve Sénégal par exemple, les communautés vivent principalement de la mise en marché du riz et des produits maraîchers, de l’élevage et du transport. Les mesures sanitaires et restrictions ont bouleversé les moyens de subsistance fragiles dans ces régions. Comment vendre oignons, tomates - des aliments périssables - si les marchés sont fermés et qu’on ne peut plus se déplacer ? Comment les femmes commerçantes qui apportaient ces denrées en ville ou de l’autre côté de la frontière peuvent trouver des revenus ?
Pour mieux comprendre comment la sécurité alimentaire des communautés a été affectée par ce bouleversement causé par les mesures sanitaires, le CECI a uni ses forces avec trois universités : l’Université Brock au Canada, le Centre d’Études, de Documentation et de recherches économiques et sociale (CEDRES) de l’Université Thomas Sankara du Burkina Faso et l’École Nationale Supérieure d’Agriculture (ENSA) de l’Université Iba Der Thiam de Thiès au Sénégal. Le CECI apportant dans cette collaboration son expertise dans le domaine du genre, en particulier de l’égalité entre les femmes et les hommes, visait également à évaluer si, face à ces bouleversements, le partage traditionnel des rôles entre hommes et femmes dans la sphère alimentaire avait été changé. Si oui, ce changement de rôles pourrait potentiellement servir de levier aux organisations de femmes - avec qui le CECI travaille dans d’autres projets, dont Voix et Leadership des Femmes (VLF) pour améliorer l’égalité entre les sexes dans les deux pays après la pandémie.
Avec un financement du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), l’étude d’une durée d’un an a été menée dans quatre zones frontalières du Centre-Sud et des Hauts-Bassins du Burkina Faso et des régions du Nord (St-Louis) et du Sud (Kolda/Sédhiou) du Sénégal. L’étude combine une approche qualitative avec des entrevues semi-dirigées suivie d’une approche participative/collaborative - dite de co-construction. Au total, 89 agriculteurs-trices (45% de femmes), 100 commerçant-e-s (60% F) et 73 leaders locaux (26% F) ont participé aux entrevues (de mars à mai 2021) qui portaient sur les effets des mesures sanitaires sur les quatre piliers de la sécurité alimentaire définis par la FAO (disponibilité, accès aux aliments, utilisation/préparation et stabilité dans le temps).
Des ateliers de co-construction ont été par la suite organisés avec 8 groupes d’environ 10 hommes et 10 femmes (de mai à juillet 2021). À travers des mises en scène, des photos, des croquis de cartes et des graphiques de pouvoir les groupes ont analysé ainsi - hommes et femmes séparément puis ensemble - les changements vécus pendant la pandémie en lien avec la sécurité alimentaire mais aussi les changements, opportunités et tensions potentielles dans les relations entre les femmes et les hommes pendant cette période. Le tout était couronné par un atelier de partage des résultats et de co-analyse dans chacune des quatre zones d’étude - avec les communautés, les leaders locaux et des acteurs institutionnels régionaux - lors duquel une réflexion était entamée - à l’aide d’un arbre à problèmes/solutions - par rapport aux solutions potentielles qu’ils et elles envisageaient face aux défis vécus (septembre 2021). Les résultats furent ensuite partagés et discutés, avec des acteurs institutionnels et de la société civile au niveau national (octobre 2021).
Les chercheurs-euses ont pu faire ressortir la fragilité de la sécurité alimentaire dans ces zones frontalières qui dépendent largement du commerce pour se nourrir. Avec l’arrivée de la pandémie, les mesures restreignant les déplacements et fermant les marchés ont rendu difficile l’accès aux intrants agricoles, devenus peu disponibles et très coûteux. N'étant plus autorisés à se rassembler, chaque ménage se retrouvait seul à travailler sur sa parcelle. Comment continuer à produire ?
Dépendant financièrement des ventes de leurs productions ou de petits commerces (fermés) ou d’emplois informels dans le commerce agricole ou le transport (désormais interdits), les hommes ne peuvent plus rapporter de quoi manger à la maison. Ils sont coincés chez eux, perdus, se sentent démunis.
Les femmes de leur côté, voyant les enfants qui ont faim, se retrouvent forcées de trouver des solutions par-ci par-là pour trouver quelques sous et quelques aliments de moindre qualité. Malgré tout, elles se retrouvent forcées de diminuer les portions et la fréquence des repas. Elles n’hésitent pas à sacrifier leur part au bénéfice de leurs enfants et de leurs maris, en courant tous les risques que cela pourrait engendrer en termes de compromis pour leur santé.
L’homme tente d’aider avec les tâches ménagères mais cela aide peu, car tout comme les hommes les femmes ont perdu leur liberté habituelle à la maison et cela génère des tensions. Cette tension est exacerbée par le stress causé par la faim et la méfiance face à la pandémie. Habituellement, lorsqu’il y a des difficultés, les gens des communautés se rassemblent pour réfléchir ensemble, mais même cela est interdit aujourd’hui.
L’étude révèle ainsi plusieurs facettes du lien indéniable entre les mesures sanitaires visant à contrer la pandémie et les effets sur la sécurité alimentaire des communautés. Elle permet aussi de faire ressortir le rôle clé qu'ont joué les femmes pendant les moments critiques, et qu’elles jouent encore aujourd’hui. Les hommes saluent leur courage et leur persévérance pour malgré tout nourrir les familles et la communauté. L’approche de co-construction en soi a été fortement appréciée par les communautés qui leur a donné des outils pour analyser leur quotidien et leurs problèmes. Les ateliers ont offert une voix aux femmes qui traditionnellement ne prennaient pas facilement la parole en assemblée. Étant co-constructeurs et co-constructrices de ces savoirs, ils et elles portent les messages au niveau de leurs décideurs pour tenter d’induire des changements souhaités.
« C’est grâce aux capacités de notre animatrice que je commence à parler en public » participante à l'atelier au Sénégal
Les résultats sont en cours d’analyse et de rédaction et seront accessibles prochainement.
Écrit par Isabelle Vandeplas et Fatoumata L. Balde, CECI
Pour consulter la note de plaidoyer : Les femmes actrices clés de résilience alimentaire : une reconfiguration des rapports de genre en temps de pandémie de COVID-19
Pour consulter la note de plaidoyer : Repenser des mesures sanitaires favorables à la sécurité alimentaire en temps de pandémies COVID-19
Ce projet de recherche financé par le CRDI a été réalisé en collaboration avec l’Université Brock au Canada, le Centre d’Études, de Documentation et de recherches économiques et sociale (CEDRES) de l’Université Thomas Sankara du Burkina Faso et l’École Nationale Supérieure d’Agriculture (ENSA) de l’Université Iba Der Thiam de Thiès au Sénégal.
Les opinions exprimées ne représentent pas nécessairement celles du CRDI ni de son Conseil des gouverneurs.
Pour protéger la population de la pandémie de la Covid-19, les gouvernements en Afrique de l’Ouest ont fermé rapidement leurs frontières et mis en place des mesures qui comportent des restrictions de déplacements, la fermeture des lieux de rassemblement (dont les marchés, écoles et lieux de culte) et à certaines périodes même de couvre-feu forçant les gens de rentrer chez eux le soir. Les communautés rurales dans ces régions dépendent nécessairement pour se nourrir de leurs productions agricoles et des revenus de la vente de ces produits pour l’achat d’aliments complémentaires. Dans le Nord du Sénégal, proche du Delta du fleuve Sénégal par exemple, les communautés vivent principalement de la mise en marché du riz et des produits maraîchers, de l’élevage et du transport. Les mesures sanitaires et restrictions ont bouleversé les moyens de subsistance fragiles dans ces régions. Comment vendre oignons, tomates - des aliments périssables - si les marchés sont fermés et qu’on ne peut plus se déplacer ? Comment les femmes commerçantes qui apportaient ces denrées en ville ou de l’autre côté de la frontière peuvent trouver des revenus ?
Pour mieux comprendre comment la sécurité alimentaire des communautés a été affectée par ce bouleversement causé par les mesures sanitaires, le CECI a uni ses forces avec trois universités : l’Université Brock au Canada, le Centre d’Études, de Documentation et de recherches économiques et sociale (CEDRES) de l’Université Thomas Sankara du Burkina Faso et l’École Nationale Supérieure d’Agriculture (ENSA) de l’Université Iba Der Thiam de Thiès au Sénégal. Le CECI apportant dans cette collaboration son expertise dans le domaine du genre, en particulier de l’égalité entre les femmes et les hommes, visait également à évaluer si, face à ces bouleversements, le partage traditionnel des rôles entre hommes et femmes dans la sphère alimentaire avait été changé. Si oui, ce changement de rôles pourrait potentiellement servir de levier aux organisations de femmes - avec qui le CECI travaille dans d’autres projets, dont Voix et Leadership des Femmes (VLF) pour améliorer l’égalité entre les sexes dans les deux pays après la pandémie.
Avec un financement du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), l’étude d’une durée d’un an a été menée dans quatre zones frontalières du Centre-Sud et des Hauts-Bassins du Burkina Faso et des régions du Nord (St-Louis) et du Sud (Kolda/Sédhiou) du Sénégal. L’étude combine une approche qualitative avec des entrevues semi-dirigées suivie d’une approche participative/collaborative - dite de co-construction. Au total, 89 agriculteurs-trices (45% de femmes), 100 commerçant-e-s (60% F) et 73 leaders locaux (26% F) ont participé aux entrevues (de mars à mai 2021) qui portaient sur les effets des mesures sanitaires sur les quatre piliers de la sécurité alimentaire définis par la FAO (disponibilité, accès aux aliments, utilisation/préparation et stabilité dans le temps).
Des ateliers de co-construction ont été par la suite organisés avec 8 groupes d’environ 10 hommes et 10 femmes (de mai à juillet 2021). À travers des mises en scène, des photos, des croquis de cartes et des graphiques de pouvoir les groupes ont analysé ainsi - hommes et femmes séparément puis ensemble - les changements vécus pendant la pandémie en lien avec la sécurité alimentaire mais aussi les changements, opportunités et tensions potentielles dans les relations entre les femmes et les hommes pendant cette période. Le tout était couronné par un atelier de partage des résultats et de co-analyse dans chacune des quatre zones d’étude - avec les communautés, les leaders locaux et des acteurs institutionnels régionaux - lors duquel une réflexion était entamée - à l’aide d’un arbre à problèmes/solutions - par rapport aux solutions potentielles qu’ils et elles envisageaient face aux défis vécus (septembre 2021). Les résultats furent ensuite partagés et discutés, avec des acteurs institutionnels et de la société civile au niveau national (octobre 2021).
Les chercheurs-euses ont pu faire ressortir la fragilité de la sécurité alimentaire dans ces zones frontalières qui dépendent largement du commerce pour se nourrir. Avec l’arrivée de la pandémie, les mesures restreignant les déplacements et fermant les marchés ont rendu difficile l’accès aux intrants agricoles, devenus peu disponibles et très coûteux. N'étant plus autorisés à se rassembler, chaque ménage se retrouvait seul à travailler sur sa parcelle. Comment continuer à produire ?
Dépendant financièrement des ventes de leurs productions ou de petits commerces (fermés) ou d’emplois informels dans le commerce agricole ou le transport (désormais interdits), les hommes ne peuvent plus rapporter de quoi manger à la maison. Ils sont coincés chez eux, perdus, se sentent démunis.
Les femmes de leur côté, voyant les enfants qui ont faim, se retrouvent forcées de trouver des solutions par-ci par-là pour trouver quelques sous et quelques aliments de moindre qualité. Malgré tout, elles se retrouvent forcées de diminuer les portions et la fréquence des repas. Elles n’hésitent pas à sacrifier leur part au bénéfice de leurs enfants et de leurs maris, en courant tous les risques que cela pourrait engendrer en termes de compromis pour leur santé.
L’homme tente d’aider avec les tâches ménagères mais cela aide peu, car tout comme les hommes les femmes ont perdu leur liberté habituelle à la maison et cela génère des tensions. Cette tension est exacerbée par le stress causé par la faim et la méfiance face à la pandémie. Habituellement, lorsqu’il y a des difficultés, les gens des communautés se rassemblent pour réfléchir ensemble, mais même cela est interdit aujourd’hui.
L’étude révèle ainsi plusieurs facettes du lien indéniable entre les mesures sanitaires visant à contrer la pandémie et les effets sur la sécurité alimentaire des communautés. Elle permet aussi de faire ressortir le rôle clé qu'ont joué les femmes pendant les moments critiques, et qu’elles jouent encore aujourd’hui. Les hommes saluent leur courage et leur persévérance pour malgré tout nourrir les familles et la communauté. L’approche de co-construction en soi a été fortement appréciée par les communautés qui leur a donné des outils pour analyser leur quotidien et leurs problèmes. Les ateliers ont offert une voix aux femmes qui traditionnellement ne prennaient pas facilement la parole en assemblée. Étant co-constructeurs et co-constructrices de ces savoirs, ils et elles portent les messages au niveau de leurs décideurs pour tenter d’induire des changements souhaités.
« C’est grâce aux capacités de notre animatrice que je commence à parler en public » participante à l'atelier au Sénégal
Les résultats sont en cours d’analyse et de rédaction et seront accessibles prochainement.
Écrit par Isabelle Vandeplas et Fatoumata L. Balde, CECI
Pour consulter la note de plaidoyer : Les femmes actrices clés de résilience alimentaire : une reconfiguration des rapports de genre en temps de pandémie de COVID-19
Pour consulter la note de plaidoyer : Repenser des mesures sanitaires favorables à la sécurité alimentaire en temps de pandémies COVID-19
Ce projet de recherche financé par le CRDI a été réalisé en collaboration avec l’Université Brock au Canada, le Centre d’Études, de Documentation et de recherches économiques et sociale (CEDRES) de l’Université Thomas Sankara du Burkina Faso et l’École Nationale Supérieure d’Agriculture (ENSA) de l’Université Iba Der Thiam de Thiès au Sénégal.
Les opinions exprimées ne représentent pas nécessairement celles du CRDI ni de son Conseil des gouverneurs.