Nouvelle

Le G-7 et l'évolution de l'activisme global

Article du Groupe de réflexion sur le développement international et la coopération (GREDIC)


Pourquoi y avait-il si peu de manifestants lors de la dernière rencontre du G-7 au Québec? La vue d'un seul protestataire tenant sa pancarte manuscrite dans la zone sécurisée de protestation n'a fait que souligner que les alter-mondialistes ont décidé en réalité d'éviter l'événement.

Les quelque 6 000 policiers et agents de sécurité affectés au G-7 étaient à peu près dix fois plus nombreux que les activistes qui s'étaient donnés la peine de se réunir à Québec ou dans la région de Charlevoix. Il est vrai que les sites ruraux où se tiennent les G-7 sont sélectionnés en raison de la facilité à en assurer la sécurité. Toutefois les dernières rencontres n'avaient pas empêché la tenue de manifestations massives dans les villes situées à proximité. En 2010, plus de 20 000 agents de sécurité ont arrêté 1000 manifestants à Toronto.

Ceci étant dit, d'autres facteurs dont certains de nature historique, peuvent expliquer le faible nombre de participants cette année.

1. La crainte de la violence

La violence croissante des démonstrations du G-7 après la mort d'un manifestant à Gênes en 2001, a obligé les alter-mondialistes tout comme les membres du G-7 eux-mêmes à réfléchir sur la façon de mieux faire entendre l'opinion citoyenne.

Il est important de comprendre que la vaste majorité des manifestants a toujours été composée de citoyens engagés, non violents. Il ne sont pas tant des protestataires que des visionnaires réclamant un monde équitable, non sexiste, exempt de pauvreté et de conflits armés. Ces personnes ne s'opposent pas à la globalisation, elles recherchent une mondialisation équitable où les dirigeants doivent rendre des comptes directement et démocratiquement à la population. Elles ne portent pas de masques; elles affichent librement leurs opinions; elles ne cherchent pas la publicité; elles travaillent vigoureusement, sans bruit et presque anonymement en espérant offrir un monde meilleur à leurs enfants et leurs petits-enfants.

2. Une stratégie inefficace

Des millions de manifestants  des pays du G-7 ont envahi les rues en 2002-2003 pour protester contre la menace d'une invasion de l'Irak, malheureusement sans obtenir les résultats escomptés.

Peu importe, comme l'a prouvé la suite des choses,  que ces manifestants se soient montrés plus visionnaires que les dirigeants des États-Unis et de la Grande-Bretagne. L'invasion de l'Irak s'est déroulée tambour battant et comme l'avait prédit cette multitude de citoyens inquiets, elle s'est avérée un désastre politique et une tache sur la conscience de l'humanité.

Le lancement de la deuxième guerre d'Irak, dirigée comme elle l'a été par les deux principaux gouvernements démocratiques, les É.-U. et la Grande-Bretagne, a forcé les activistes de la société civile à remettre en question la valeur intrinsèque des démonstrations massives. Il a aussi démontré que le regroupement le plus puissant de gouvernements démocratiques, le G-7, pouvait être court-circuité par l'un de ses États membres lorsque cela lui convenait de créer une force multilatérale quasi-fictive pour atteindre son but.

Les efforts de millions de citoyens de pays du G-7 de « passer » des messages à leurs chefs d'État respectifs ont été inutiles. Cet échec de la société civile a rendu nécessaire une réévaluation par les activistes  de la meilleure façon d'influencer non seulement le G-7 mais aussi les autres grandes institutions de gouvernance globale qui échappent à l'imputabilité telles l'Organisation mondiale du commerce, la Banque mondiale et même le Conseil de sécurité des Nations Unies.

3. Le développement de stratégies alternatives

En 2003, au cours de la période de planification du Sommet du G-7 à Kananaskis en Alberta, un dialogue officiel a été tenu en arrière-plan entre le gouvernement canadien – et grâce à lui – et un petit nombre d'alter-mondialistes d'Amérique du Nord, d'Europe, d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie. Il  a fallu plusieurs années pour que ce processus arrive à maturité mais aujourd'hui des consultations formelles entre les organisateurs du G-7 et les leaders de la société civile ont été officialisées.

4- Le déclin du G-7

La détermination passée des citoyens de prendre la rue était un reflet de la réalité d'alors qui faisait en sorte que les décisions du G-7, prises par une élite des chefs d'État élus démocratiquement, avaient des conséquences importantes pour des pays qui n'en étaient pas membres, particulièrement les pays du Sud.

Depuis ce moment, l'émergence du G-20 qui regroupe les 20 pays dont l'économie est la plus développée, du BRICS ( Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud ) du Groupe de Shanghai et enfin d'un secteur privé omnipuissant et hors de contrôle ont érodé l'importance globale du G-7. De plus, à l'intérieur de ce groupe, les États-Unis n'occupent plus la place du grand leader comme auparavant alors qu'aucune autre grande force globale n'est en place pour assumer leur rôle historique.

5. Où aller maintenant?

Ce n'est pas une coïncidence si le communiqué final du G-7 reflète cette année des valeurs qui sont chères aux activistes de la société civile. C'est une raison de se réjouir.

La démocratisation croissante des communications apporte une alternative à la fois puissante et économique pour démontrer l'appui aux transformations des sociétés. À leur façon, les médias sociaux rallient des millions de citoyens.

Quelles seront les cibles de la société civile pour faire prévaloir leur vision d'un monde prospère et juste?

Il faut reconnaître que les institutions de gouvernance globale ne sont pas vraiment démocratiques, n'ayant aucune imputabilité directe à l'égard d'un électorat. L'ONU pour sa part est dominée et souvent entravée par le Conseil de sécurité. Le G-20 est affaibli par la présence de plusieurs états autocratiques qui prennent ombrage de la participation citoyenne, et les États-Unis, à l'heure des « fake news » ont malheureusement perdu leur force morale.

Les activistes poursuivent leur diplomatie discrète auprès du G-7 mais on réalise de plus en plus que le vrai combat consiste à démocratiser la gouvernance mondiale, un objectif qui est une véritable hérésie pour tous les États nations puissants. La première cible sera plus probablement les Nations Unies, plus précisément le Conseil de sécurité. Les activistes considèrent que les États membres ne peuvent plus mettre de côté l'ONU ou lui nuire. Plus que jamais nous sommes régis par le droit international, et les Nations Unies demeurent le seul organisme capable d'assurer une gouvernance démocratique à l'échelle internationale.

Les activistes vont poursuivre leur effort. L'avènement de gouvernements nationaux populistes peut jouer en leur défaveur à court terme. Mais l'émergence d'une démocratie participative représente une tendance historique puissante. Au cours du siècle dernier, elle a entraîné le renversement de l'apartheid, l'égalité croissante des femmes, la promotion du droit des homosexuels pour ne nommer que quelques changements.  L'engagement citoyen peut subir un recul temporaire mais son progrès ne peut être arrêté. La démocratisation de l'information a fait de la société civile elle-même un acteur de la gouvernance mondiale.

Sans le frein de la perspective étroite de l'État nation, les activistes vont continuer à lutter pour une gouvernance mondiale... et il faut croire, qu'en temps et lieu, leur point de vue prévaudra.


Les membres du GREDIC: 
Nigel Martin, Pierre Véronneau, Nicole Saint-Martin, Yves Pétillon, Mario Renaud et Robert Letendre

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