Nouvelle
Ce texte de Martine Letarte est paru dans Le Devoir le 4 septembre 2021
Assurer l’accès à tous à une éducation de qualité est le quatrième des Objectifs de développement durable des Nations unies pour 2030. Si les inscriptions à l’école primaire dans les pays en développement ont atteint 91 %, 57 millions d’enfants ne sont toujours pas en classe. Plus de la moitié de ces petits sont en Afrique subsaharienne, et un sur deux vit dans une zone touchée par un conflit. Pour faire changer les choses, le projet Éducation des filles pour un avenir meilleur dans la région des Grands Lacs (EDUFAM) a démarré en 2020.
Une famille décide de ne plus envoyer ses filles à l’école pour qu’elles se concentrent sur les tâches domestiques et prennent soin de leurs petits frères. Une adolescente tombe enceinte après avoir été forcée de se marier et arrête l’école pour s’occuper de son bébé. Voilà ce qui se passe souvent dans les familles de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne.
« La pesanteur socioculturelle est l’un des facteurs les plus importants qui font en sorte que, compte tenu de la conjoncture économique, les familles des zones reculées préfèrent envoyer les garçons à l’école et que les filles sont élevées pour devenir des mères au foyer », explique Nicole Nyangolo, coordonnatrice régionale d’EDUFAM à la Concertation des collectifs des associations féminines de la région des Grands Lacs (COCAFEM/GL), jointe à Bujumbura, au Burundi.
Or, pour les Nations unies, assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie favorise la mobilité socio-économique et constitue un moyen d’échapper à la pauvreté.
De plus, pour l’avenir du français dans le monde, l’Afrique est cruciale. Des 300 millions de francophones estimés en 2018, 235 millions vivent en français, et 60 % sont en Afrique, d’après l’Organisation internationale de la francophonie.
S’adapter aux réalités locales
Afin de favoriser la scolarisation des filles, Affaires mondiales Canada finance le projet EDUFAM mené par le consortium qui réunit le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI) pour son expertise en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et la Fondation Paul Gérin-Lajoie pour son expertise en éducation. Ils travaillent de près avec différents partenaires sur le terrain coordonnés par COCAFEM/GL.
En République démocratique du Congo (RDC), le projet se déploie sur le territoire de Fizi, où l’on trouve le camp de réfugiés Lusenda. Au Rwanda, c’est dans le district de Kirehe, où il y a le camp Mahama, et au Burundi, c’est dans la commune de Gasorwe, où l’on trouve le camp Kinama. Le projet cible 24 écoles dans ces trois régions où pas moins de 33 % des filles et des adolescentes ne savent ni lire ni écrire. « Nous avons une approche holistique, et c’est pourquoi nous travaillons avec plusieurs partenaires dans une stratégie régionale adaptée aux réalités locales », précise Coline Camier, chargée de projet au CECI.
S’attaquer aux obstacles
Pour dresser la liste de tous les obstacles que les filles rencontrent pour aller à l’école, les intervenants du projet se sont assis avec les communautés hôtes et les communautés de réfugiés dans les trois régions. Ensuite, les communautés ont signé des contrats sociaux dans lesquels elles s’engagent à les réduire. « Ce ne sont pas seulement les parents qui sont impliqués, mais toute la communauté, explique Coline Camier. Par exemple, les voisins surveillent les filles et, s’ils voient qu’une ne va pas à l’école, ils vont discuter avec les parents. Il y a vraiment un esprit communautaire fort. »
Un recensement a aussi été réalisé auprès des 19 000 filles et adolescentes des trois régions pour brosser le portrait de leurs vulnérabilités. Par exemple, si sa famille vit de grandes difficultés économiques, si la jeune fille risque d’être mariée prochainement ou si elle a été violée. « Ensuite, on réalise un parcours individualisé pour chacune en mettant à contribution un cercle de proches, des acteurs clés et l’école afin de créer un environnement scolaire inclusif et sécuritaire », explique Mme Camier.
Des efforts se font également pour renforcer le leadership des femmes. « Elles sont souvent en arrière-plan, mais c’est important qu’elles prennent leur place, qu’on entende leur voix, affirme Nicole Nyangolo. Plus elles auront une forte présence dans les écoles, plus les filles s’y sentiront en confiance et en sécurité. »
La pandémie a ajouté des obstacles à l’éducation des filles. « La COVID-19 a compliqué la vie de tout le monde en 2020, affirme Nicole Nyangolo. Les familles hésitaient déjà à envoyer leurs filles à l’école, mais c’est encore pire avec la situation économique actuelle. En prévision de la rentrée, qui a lieu dans quelques jours, nous avons donc redoublé d’efforts pour sensibiliser les gens à l’importance d’envoyer les filles à l’école. »
Toute la communauté gagne à éduquer ses filles
Si toute la communauté participe aux efforts, c’est également toute la communauté qui paye le prix de la non-scolarisation des filles. « Celles qui sont allées à l’école pourront gagner jusqu’au double des revenus de celles qui n’y sont pas allées, alors l’impact sur leur vie et sur leur famille est majeur, d’autant plus que la valeur de l’éducation se transmet de génération en génération », indique Coline Camier.
La scolarisation des filles fait aussi diminuer considérablement les violences, comme les mariages forcés et les mutilations génitales. « Plus les gens sont éduqués, plus on peut lutter contre les problèmes structurels de violence et les stéréotypes de genre, explique Coline Camier. Envoyer les filles à l’école permet aussi d’améliorer la santé, parce qu’elles développent de meilleures connaissances sur les maladies comme le VIH et le paludisme. Elles en apprennent aussi davantage sur la nutrition, entre autres. C’est finalement tout le développement d’un pays qui peut se faire grâce à l’éducation des filles. »
Pour en apprendre davantage sur le projet EDUFAM
Ce texte de Martine Letarte est paru dans Le Devoir le 4 septembre 2021
Assurer l’accès à tous à une éducation de qualité est le quatrième des Objectifs de développement durable des Nations unies pour 2030. Si les inscriptions à l’école primaire dans les pays en développement ont atteint 91 %, 57 millions d’enfants ne sont toujours pas en classe. Plus de la moitié de ces petits sont en Afrique subsaharienne, et un sur deux vit dans une zone touchée par un conflit. Pour faire changer les choses, le projet Éducation des filles pour un avenir meilleur dans la région des Grands Lacs (EDUFAM) a démarré en 2020.
Une famille décide de ne plus envoyer ses filles à l’école pour qu’elles se concentrent sur les tâches domestiques et prennent soin de leurs petits frères. Une adolescente tombe enceinte après avoir été forcée de se marier et arrête l’école pour s’occuper de son bébé. Voilà ce qui se passe souvent dans les familles de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne.
« La pesanteur socioculturelle est l’un des facteurs les plus importants qui font en sorte que, compte tenu de la conjoncture économique, les familles des zones reculées préfèrent envoyer les garçons à l’école et que les filles sont élevées pour devenir des mères au foyer », explique Nicole Nyangolo, coordonnatrice régionale d’EDUFAM à la Concertation des collectifs des associations féminines de la région des Grands Lacs (COCAFEM/GL), jointe à Bujumbura, au Burundi.
Or, pour les Nations unies, assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie favorise la mobilité socio-économique et constitue un moyen d’échapper à la pauvreté.
De plus, pour l’avenir du français dans le monde, l’Afrique est cruciale. Des 300 millions de francophones estimés en 2018, 235 millions vivent en français, et 60 % sont en Afrique, d’après l’Organisation internationale de la francophonie.
S’adapter aux réalités locales
Afin de favoriser la scolarisation des filles, Affaires mondiales Canada finance le projet EDUFAM mené par le consortium qui réunit le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI) pour son expertise en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et la Fondation Paul Gérin-Lajoie pour son expertise en éducation. Ils travaillent de près avec différents partenaires sur le terrain coordonnés par COCAFEM/GL.
En République démocratique du Congo (RDC), le projet se déploie sur le territoire de Fizi, où l’on trouve le camp de réfugiés Lusenda. Au Rwanda, c’est dans le district de Kirehe, où il y a le camp Mahama, et au Burundi, c’est dans la commune de Gasorwe, où l’on trouve le camp Kinama. Le projet cible 24 écoles dans ces trois régions où pas moins de 33 % des filles et des adolescentes ne savent ni lire ni écrire. « Nous avons une approche holistique, et c’est pourquoi nous travaillons avec plusieurs partenaires dans une stratégie régionale adaptée aux réalités locales », précise Coline Camier, chargée de projet au CECI.
S’attaquer aux obstacles
Pour dresser la liste de tous les obstacles que les filles rencontrent pour aller à l’école, les intervenants du projet se sont assis avec les communautés hôtes et les communautés de réfugiés dans les trois régions. Ensuite, les communautés ont signé des contrats sociaux dans lesquels elles s’engagent à les réduire. « Ce ne sont pas seulement les parents qui sont impliqués, mais toute la communauté, explique Coline Camier. Par exemple, les voisins surveillent les filles et, s’ils voient qu’une ne va pas à l’école, ils vont discuter avec les parents. Il y a vraiment un esprit communautaire fort. »
Un recensement a aussi été réalisé auprès des 19 000 filles et adolescentes des trois régions pour brosser le portrait de leurs vulnérabilités. Par exemple, si sa famille vit de grandes difficultés économiques, si la jeune fille risque d’être mariée prochainement ou si elle a été violée. « Ensuite, on réalise un parcours individualisé pour chacune en mettant à contribution un cercle de proches, des acteurs clés et l’école afin de créer un environnement scolaire inclusif et sécuritaire », explique Mme Camier.
Des efforts se font également pour renforcer le leadership des femmes. « Elles sont souvent en arrière-plan, mais c’est important qu’elles prennent leur place, qu’on entende leur voix, affirme Nicole Nyangolo. Plus elles auront une forte présence dans les écoles, plus les filles s’y sentiront en confiance et en sécurité. »
La pandémie a ajouté des obstacles à l’éducation des filles. « La COVID-19 a compliqué la vie de tout le monde en 2020, affirme Nicole Nyangolo. Les familles hésitaient déjà à envoyer leurs filles à l’école, mais c’est encore pire avec la situation économique actuelle. En prévision de la rentrée, qui a lieu dans quelques jours, nous avons donc redoublé d’efforts pour sensibiliser les gens à l’importance d’envoyer les filles à l’école. »
Toute la communauté gagne à éduquer ses filles
Si toute la communauté participe aux efforts, c’est également toute la communauté qui paye le prix de la non-scolarisation des filles. « Celles qui sont allées à l’école pourront gagner jusqu’au double des revenus de celles qui n’y sont pas allées, alors l’impact sur leur vie et sur leur famille est majeur, d’autant plus que la valeur de l’éducation se transmet de génération en génération », indique Coline Camier.
La scolarisation des filles fait aussi diminuer considérablement les violences, comme les mariages forcés et les mutilations génitales. « Plus les gens sont éduqués, plus on peut lutter contre les problèmes structurels de violence et les stéréotypes de genre, explique Coline Camier. Envoyer les filles à l’école permet aussi d’améliorer la santé, parce qu’elles développent de meilleures connaissances sur les maladies comme le VIH et le paludisme. Elles en apprennent aussi davantage sur la nutrition, entre autres. C’est finalement tout le développement d’un pays qui peut se faire grâce à l’éducation des filles. »
Pour en apprendre davantage sur le projet EDUFAM