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Du cacao au chocolat. Du Pérou au Canada - Rencontre avec Francesca Valdivia, jeune entrepreneure chocolatière péruvienne

C’est jeudi le 7 juillet que la 7ème édition du Salon du cacao et du chocolat ouvre ses portes à Lima au Pérou. Pendant quatre jours, quelque 120 exposants représentant plus de 2500 producteurs péruviens de cacao et des fabricants de chocolat vont chercher à mieux faire connaître et apprécier leurs produits auprès d’acheteurs du monde entier. Parmi les 15 000 visiteurs attendus, plusieurs chocolatiers québécois seront présents.

Emmenée par le CECI et l’EUMC dans le cadre du volet Partenaires d’affaires du programme Uniterra, cette délégation d’entreprises doit aussi se rendre dans la région de San Martin pour visiter des plantations de cacao et rencontrer des producteurs et des chocolatiers avec l’objectif de s’y approvisionner. Trois mois après le Salon International de l’Alimentation (SIAL) de Montréal où des contacts préliminaires ont été établis entre plusieurs acteurs péruviens et canadiens du secteur du cacao et du chocolat, cette mission d’affaires pourrait bien déboucher sur la conclusion d’ententes commerciales.


Karine Chrétien Guillemette fait partie de la délégation. La fondatrice et propriétaire de La tablette de Miss Choco se spécialise depuis mars 2014 dans la vente de tablettes de chocolat «bean-to-bar»: sa boutique montréalaise propose des produits conçus entièrement par des chocolatiers qui assurent eux-mêmes toutes les étapes de la production, depuis la transformation des fèves de cacao brutes jusqu’à la fabrication de la tablette.

Séduite lors du SIAL par les produits de Francesca Valdivia, une jeune entrepreneure chocolatière péruvienne très dynamique, elle-même adepte du «bean-to-bar», Karine Chrétien Guillemette est ravie de retrouver la jeune entrepreneure à Lima et de pouvoir l’accompagner dans les plantations de cacaoyers d’où proviennent les fèves qu’elle travaille. La Montréalaise entend s’imprégner de la réalité des petits producteurs de cette région du nord-est du pays et en apprendre davantage sur les produits que Francesca Valdivia crée depuis maintenant deux ans - produits qu’elle pourrait distribuer prochainement au Québec.

RENCONTRE AVEC FRANCESCA VALDIVIA

Avec son diplôme en commerce et administration des affaires en poche, c’est tout naturellement que Francesca Valdivia, fraîchement sortie de l’Université de Lima, décroche un premier emploi dans une banque de la capitale péruvienne puis un poste en marketing dans une multinationale. À 22 ans, l’avenir professionnel de la jeune femme s’annonce prometteur – et somme toute assez prévisible. Mais au début de l’été 2014, à l’occasion d’un dîner chez ses parents, sa vie prend un tournant inattendu.

Un des convives, ami de la famille, évoque avec elle le parcours d’une connaissance qui se consacre à l’exportation de produits dérivés du cacao. Intriguée, la jeune femme le questionne, longuement, et découvre ce soir-là que son pays possède un des meilleurs cacaos du monde. «À partir de ce moment, raconte la dynamique et souriante jeune femme, j’ai énormément lu sur le sujet. J’ai découvert qu’au niveau international, en particulier en Europe, on valorisait le chocolat de qualité … qui est fait notamment à partir de notre cacao dont la variété et la richesse des arômes sont unanimement reconnues et appréciées. C’est vrai que le Pérou est un petit producteur au niveau mondial, à peine 1% de la production globale, mais c’est le deuxième producteur et exportateur de cacao biologique sur la planète!».

Francesca Valdivia consacre dès lors tout son temps libre à son nouveau centre d’intérêt, qui devient rapidement, de son propre aveu, une «véritable obsession». En marge de ses journées de travail, elle se documente sur le cacao, se plonge dans les études de marché et effectue les fins de semaine de multiples allers-retours dans la forêt tropicale péruvienne, où se situent nombre de plantations cacaoyères. Auprès des dirigeants des coopératives mais aussi des petits producteurs de la région de San Martin, elle approfondit peu à peu ses connaissances tant au niveau des variétés existantes de cacao que du procédé de transformation. En décembre 2014, six mois seulement après ce fameux dîner, Francesca Valdivia quitte son emploi pour pouvoir se consacrer pleinement au projet qui l’habite désormais: «fabriquer au Pérou, à partir du cacao péruvien, le meilleur chocolat fin qui soit. Ni plus, ni moins!».

L’assurance de la jeune femme n’a d’égal que son enthousiasme et son sens des affaires. Quelques mois plus tard, sa compagnie Q’uma voit le jour – dans la langue aymara, qumara signifie sain. Très vite un premier prix vient récompenser les efforts de la jeune entrepreneure qui mise sur la qualité et les saveurs du cacao biologique péruvien. «Tout comme le vin ou le fromage, le cacao fin possède des arômes distincts en fonction de sa région d’origine, de son terroir, etc.» raconte Francesca qui travaille avec une coopérative de la région de San Martin regroupant plus de 200 producteurs.

Chocolatière «bean-to-bar», Francesca gère chacune des étapes de la fabrication de ses produits, depuis la sélection des grains de cacao jusqu’à la mise en marché de ses tablettes. L’étroitesse et la qualité des liens qu’elle entretient avec les paysans qui cultivent les fèves de cacao sont au cœur des priorités de la chocolatière. «Au-delà de la nécessité de les rétribuer de manière juste et équitable, il est essentiel de leur faire connaitre le produit fini, relate Francesca Valdivia. J’ai réalisé que la plupart des petits producteurs n’avaient jamais goûté le chocolat issu de leurs plantations! Or cela permet de les impliquer dans le procédé et de les intéresser à améliorer la qualité du produit final». Chaque mois plus de 300 kilos de cacao sont transformés dans une petite unité de Lima où Francesca sous-traite la fabrication de ses tablettes. «En attendant d’avoir ma propre usine de production» juge bon de préciser la femme d’affaires de 24 ans.

Outre des considérations purement économiques (l’implantation de l’ensemble de la chaine de transformation du cacao sur le territoire péruvien), Francesca Valdivia croit que la production nationale d’un chocolat fin peut avoir un autre type de retombée positive: susciter l’intérêt des Péruviens pour ce produit, eux qui en majorité ne consomment que des denrées sucrées dérivées du chocolat.

A côté des sept variétés de tablettes de chocolat qu’elle propose aujourd’hui (une offre qu’elle entend bien entendu diversifier!), la jeune femme caresse l’idée de se lancer dans la fabrication de truffes et autres chocolats. «Non pas pour l’exportation cette fois, mais pour des mariages ou des événements corporatifs par exemple» précise Francesca, qui poursuit son apprentissage du métier – elle a notamment pu profiter en avril dernier des conseils du chef Philippe Vancayseele lors d’un atelier de formation organisé par Uniterra à l’Académie du chocolat de Montréal.

On voit mal comment ce nouveau défi résisterait à cette jeune chocolatière passionnée!


Texte: Carole Duffréchou 

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