Nouvelle
Bien en vue sur le comptoir d’accueil du stand d’Uniterra, des tasses de café encore fumant et des coupelles emplies de morceaux de chocolats de différentes saveurs attendent les premiers visiteurs du Salon International de l’Alimentation (SIAL) de Montréal. Sur le mur du fond, une affiche représentant les hauts plateaux andins illustre l’origine des sachets de quinoa exposés sur les étagères murales. Tout autour du stand, une dizaine de femmes et d’hommes s’affairent, arrangent les présentoirs, étalent les brochures présentant leurs produits – cacao et chocolat péruviens, café guatémaltèque, quinoa bolivien.
Ces chocolatières et dirigeants de coopératives venus d’Amérique latine ont répondu à l’appel des bureaux d’Uniterra dans leurs pays respectifs et, moyennant une participation financière, ont été invités à se joindre à une mission commerciale au Canada conjointement organisée par le CECI et l’EUMC. Durant deux semaines, ils ont multiplié rencontres et visites dans les régions de Montréal et d’Ottawa, entre autres avec des organismes de financement visant à faciliter leur accès au marché canadien, des coopératives ou encore l’usine de fabrication du suisse Barry Callebaut - la plus importante unité de production du groupe dans les Amériques.
Leur présence au SIAL, qui a accueilli cette année plus de 17 000 visiteurs internationaux, se voulait l’évènement phare de ces deux semaines. Ils ont eu l’opportunité d’y promouvoir leurs produits, et à l’issue des trois jours du salon, la majorité d’entre eux avait établi des contacts prometteurs avec de potentiels clients. «Cette mission était une première explique Sylvain Matte, conseiller principal du programme Uniterra en charge des partenariats stratégiques. On ne s’est pas contenté de valoriser les produits de nos partenaires comme on a pu le faire lors de missions précédentes. En plus des objectifs habituels de renforcement des capacités ou de développement des connaissances, il y avait cette fois-ci un objectif commercial clairement affiché. On leur a offert un espace dans un grand salon international pour mettre leurs produits en valeur et faciliter ainsi leur accès à de nouveaux marchés».
Outre son volet de coopération volontaire, Uniterra s’inscrit aussi dans une démarche de partenariat d’affaires qui vise à favoriser l’établissement de relations commerciales entre les producteurs des pays du Sud et les entreprises canadiennes en quête de nouvelles sources d’approvisionnement. Les participants à cette mission commerciale d’un nouveau type devaient répondre à deux exigences: «Il fallait d’une partque ces acteurs aient un réel potentiel d’exportation précise Nancy Lafrance, coordinatrice régionale du CECI pour l’Amérique latine. D’autre part il fallait qu’ils soient porteurs d’un modèle inclusif pour les femmes et les jeunes et aient une vraie vision de responsabilité sociale».
Au-delà de l’obtention à court ou moyen terme de nouveaux débouchés et de l’établissement de contacts d’affaires, les femmes chocolatières et les dirigeants de coopératives souhaitaient développer une meilleure compréhension du marché canadien. Qu’il s’agisse du quinoa, du café ou du cacao, tous partageaient le même angle d’approche et cherchaient à se positionner sur des marchés de niche en proposant un produit biologique, de haute qualité, à l’arôme fin et reconnu, et produit selon les règles du commerce équitable.
Dans cette perspective, la visite des coopératives canadiennes Agrodor, La Siembra ou Bridgehead a fourni de précieuses informations aux participants. «Comment pensent et fonctionnent les gens d’affaires, comment s’effectue la distribution, quelle est la règlementation concernant les produits importés, etc.: toute cette information est extrêmement utile pour nous permettre d’adapter notre offre et mieux percer le marché» assure José Rojas, représentant de la coopérative Norandino qui regroupe quelque 7000 petits producteurs de café, cacao et de sucre de canne.
«On se rend compte par exemple que le marché canadien est plus intéressé par les produits déjà transformés, prêts à la consommation, et que les règlementations sont plus strictes, en terme de spécifications notamment note Violeta Lozano, comptable et directrice-adjointe de la coopérative Oro Verde. De là, on voit comment améliorer encore la qualité de nos produits et de nos services, mais surtout cela ouvre de nouvelles pistes: aurions-nous intérêt à nous associer entre coopératives péruviennes pour proposer un produit fini par exemple?».
Gonzalo Ríos, qui a co-fondé la coopérative Acopagro il y a bientôt 20 ans et en est depuis le gérant, s’est montré très inspiré par le modèle coopératif canadien. «La voie empruntée par ces coopératives pour croitre et mieux affronter la compétition, en fusionnant, en faisant des consortiums, des joint-ventures est certainement un modèle à étudier chez nous» affirme l’économiste de 48 ans qui a eu l’heureuse surprise de découvrir lors de sa visite à la Siembra que son cacao vendu en Suisse et en Italie était par la suite importé au Canada et utilisé pour la marque Camino.
Tout au long de la mission commerciale, tous ont aussi constamment cherché à affiner leur connaissance des tendances du marché et des goûts des consommateurs.
A la fin de son séjour, Hilda García, l’une des trois chocolatières péruviennes invitées, était catégorique: les Canadiens aiment essentiellement le chocolat noir, sans ajout de saveurs trop exotiques. «Disons que mes tablettes à la citronnelle et au chili-citron n’ont pas connu le même succès qu’au Pérou! résume en riant cette entrepreneure de 46 ans, fondatrice des chocolats San Martin. Je sais maintenant que je vais devoir développer une offre de produits spécifiquement destinés à l’exportation».
Durant deux jours, les chocolatières ont pu bénéficier d’une formation pratique donnée à l’Académie du Chocolat de Montréal par son directeur le chef Philippe Vancayseele. Des cours techniques sur la cristallisation du chocolat, le moulage, la décoration … autant d’apprentissages précieux que les trois Péruviennes ont bien l’intention de partager avec les autres entrepreneures de leur région. Car outre leur essor international, elles partagent un objectif pour le moins ambitieux: développer au Pérou une offre de chocolats de qualité pour tenter d’amener peu à peu les Péruviens à délaisser les produits chocolatés bas de gamme qui constituent l’essentiel de leur consommation et les amener à découvrir leur cacao national. Si le Pérou produit moins de 2% du cacao mondial (et l’exporte a plus de 90%), il est désormais le deuxième producteur au monde de cacao biologique. Une matière première d’une incroyable qualité que les chocolatiers et les représentants des coopératives venus au Canada voudraient aussi désormais valoriser chez eux.
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Du 9 au 22 avril 2016, le CECI et l’EUMC ont accueilli 8 partenaires originaires du Pérou, de Bolivie et du Guatemala travaillant dans les secteurs du cacao, du café et du quinoa. Cette mission au Canada a été organisée pour les aider à établir de nouvelles relations d'affaires, identifier des clients canadiens potentiels, en apprendre davantage sur les tendances du marché canadien et leur a permis de suivre une formation avec des experts chocolatiers pour améliorer la qualité de leurs produits. Nous avons également encouragé le partage des connaissances avec des experts canadiens sur les coopératives, permettant ainsi à la délégation d’Amérique latine d’apprendre de ces modèles.
Uniterra est l’un des plus importants programmes de coopération volontaire et de développement au Canada. Il est mis en œuvre conjointement par le CECI et l’EUMC. Le programme Uniterra est réalisé grâce à la contribution des Canadiennes et des Canadiens et il bénéficie de l’appui financier du gouvernement du Canada, par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.
Texte: Carole Duffréchou | Photos: CECI / EUMC