Témoignage

Travailler avec le syndrome de l’imposteur

Burkina Faso
Publié par : Mia Delisle

Bien que le virus, auteur de cette pandémie et de la situation particulière dans laquelle plusieurs d’entre nous se retrouvent présentement, m’ait épargné dans la dernière année et demie, d’autres syndromes ne se sont pas gênés à se créer une place dans mon quotidien. Ici, je fais allusion au stress, à l’anxiété, à l’isolement, et depuis le début de mon mandat en tant que volontaire à distance pour une organisation au Burkina Faso : le « Syndrome de l’imposteur ».

Avec le travail à distance, gracieuseté de la pandémie, notre milieu de travail, qui était autrefois dynamique et partagé, est maintenant fondu dans notre décor quotidien où les conversations conviviales avec nos collègues entre chaque rencontre ont été remplacées par des conversations avec nous-mêmes. Dans cet environnement, il semble maintenant plus facile qu’avant de se remettre en question.

La vie sédentaire que la pandémie nous force à mener possède ses « pour » et ses « contres ». Je dois avouer de pas m’ennuyer des cours présentiels très tôt le matin alors qu’aujourd’hui j’ai la chance de pouvoir les suivre du confort de mon propre salon. Toutefois, j’étais loin de me douter que le confort physique que me procurait le travail de ma demeure cachait un inconfort intérieur bien difficile à définir. Mais pour qui me prends? Moi, jeune étudiante canadienne, à presque 1000 km de mon lieu d’affectation, pour qui je me prends? Je n’ai pas de réponses, je ne suis pas une « experte », alors qu’est-ce que je fais? Quel est mon rôle? Quelle est ma place?

Comme je disais, c’est bien moins agréable comme conversation que du petit commérage inoffensif de bureau…

Avant que vous n’arrêtiez votre lecture ici par peur de vous retrouver complètement démotivé face au travail de développement international à distance, laissez-moi vous rassurer : les symptômes de ce syndrome ne sont pas incurables.

En m’arrêtant un petit peu pour analyser mes pensées, j’ai réalisé à quel point mon discours de remise en question causé par mon « Syndrome de l’imposteur » était égocentrique. J’étais affligée d’un profond stress de devoir trouver solution à toutes les contrariétés de mon organisme hôte, comprendre la réalité locale à 100%, être une « experte » du domaine pour lequel mon aide était sollicitée alors que rien de tout ça n’était réellement attendu de moi. Dans mes élans de culpabilisation, où ma tête semblait prendre un malin plaisir à me rappeler que j’étais une « impostrice », j’avais perdu de vue complètement l’essence derrière mon mandat de volontariat à distance : la collaboration.

En effet, il n’avait jamais été attendu de moi d’être une « experte » ou de comprendre les réalités locales de la même façon que si j’avais grandi là-bas : c’est impossible ! Mon « Syndrome de l’imposteur » s’était développé à cause de cette mentalité de « surperformance » dans laquelle le monde professionnel semble évoluer ici. Mais là n’est pas la nature de l’aide au développement. L’idée de performer et les anxiétés reliées à cette mentalité perdent de leur sens lorsqu’on se rappelle que l’entraide, le développement et le renforcement des capacités locales se basent sur l’apport individuel de chacun pour créer un tout plus puissant et non pas sur les capacités toutes puissantes d’un seul individu.

Une fois cette remise en perspective faite, l’imposteur en moi n’a pas eu trop de difficulté à trouver la porte de sortie de ma tête. Tant et aussi longtemps que l’aide au développement se fait avec un souci du renforcement des capacités par une collaboration prônant les perspectives locales, il n’y a pas de raison de s’en faire.

C’est ainsi que je poursuis mon mandat à distance : en trouvant des stratégies pour créer des liens malgré les contraintes de notre nouvelle réalité, en cherchant l’équilibre parfait entre la sous-estimation et la surestimation de mon rôle au sein de l’organisme local et en me rappelant les valeurs fondamentales de la coopération internationale.

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