Du 23 au 28 mars 2015, j’ai eu la chance de participer au Forum social mondial de Tunis (
https://fsm2015.org/). Appuyée par mon organisation, le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI), je faisais également partie d’une délégation de l’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI).
L’effervescence des mouvements sociaux venus de tous les continents, la rencontre de gens porteurs de différentes luttes et débordant d’une énergie mobilisatrice, et la canalisation de cette énergie vers des réflexions pour un avenir meilleur : l’expérience de participer à un forum social mondial.
Il est difficile de croire que toutes ces rencontres de gens de partout à travers le monde et ce qu’on y vit pendant ces quelques jours sont bien réels! Haute en stimulation, en découvertes et en apprentissages, la participation à un tel évènement ne peut être que mobilisatrice. D’autant plus que cette rencontre était tenue dans le berceau du Printemps arabe.
Tellement d’ateliers sont proposés à chaque plage horaire que le choix en est toujours déchirant. Des rencontres, des luttes et des projets ont été particulièrement marquants pour moi. Je vous partage quelques coups de cœur!
"Palestinian Circus School"
Par exemple, la rencontre avec le directeur d’une école de cirque palestinienne, la
Palestinian Circus School (
www.palcircus.ps), a été pour moi spécialement porteuse d’espoir. Shadi Zmorrod travaille avec les jeunes Palestiniens - à Hébron, Birzeit, Ramallah, Jenin et dans le camp de réfugiés de Al Fara - pour les convaincre qu’il y a des façons non violentes de résister à l’occupation d’Israël, à travers l’art du cirque, et qu’il est possible d’avoir un avenir meilleur. L’école de cirque a tout un programme éducatif (cours de cirque, camps) et effectue des performances localement et internationalement visant à montrer un autre visage de la Palestine. Le médium du cirque est utilisé pour répandre l’espoir auprès des jeunes participants et de leur public, augmenter leur voix et réclamer leurs droits. De cette façon, l’école de cirque tente de contrer l’impact négatif de l’occupation d’Israël au niveau social et psychologique. L’énergie de Shadi était contagieuse et sa résilience saisissante vu les défis auxquels il doit faire face.
Shadi Zmorrod
« Hommes dans la cuisine pour l’égalité des genres »
J’ai aussi été séduite par le projet
« Hommes dans la cuisine pour l’égalité des genres » du réseau HOPEM - Rede Homens Pela Mudança ou le Réseau des hommes pour le changement (traduction libre) (
http://www.hopem.org.mz/). Présenté au Forum par Andrés Panera Osa et Júlio Langa, ce projet m'a paru particulièrement original.
Basé à Maputo au Mozambique, le réseau HOPEM, qui regroupe 25 organisations de la société civile, effectue du plaidoyer pour l’égalité des genres. Avec le projet « Hommes dans la cuisine », ils essaient d’aborder les relations inégales de pouvoir entre hommes et femmes exprimées dans la division sexuelle du travail. L’objectif plus spécifique du projet est de faire évoluer le niveau de coopération entre hommes et femmes dans le travail domestique, espace traditionnellement féminin, en renforçant les connaissances et habilités des hommes sur l’hygiène, la nutrition, la cuisine… afin qu’ils soient mieux outillés à contribuer à la sphère domestique. Pour ce faire, ils font de la sensibilisation à travers différents médias. Andrés soutient que cela contribue à rompre les barrières traditionnelles, permettant à l’homme qui essaie de partager les tâches domestiques d’être plus soutenu et moins jugé ou stigmatisé. Dans le projet, ils allient discussion sur les différents rôles de genre (par exemple, sur les relations de pouvoir, la masculinité, les violences faites aux femmes, la répartition égale des tâches et des décisions) et ateliers pratiques (cuisine et tâches domestiques). Par exemple, à travers le projet d’une foire alimentaire artisanale de produits préparés par ces hommes qu’ils ont présentée récemment, ils travaillent à contrer l’étiquette négative apposée aux hommes qui effectuent des tâches domestiques et à bâtir un nouveau modèle de masculinité. Issu de plusieurs années de travail féministe, ce réseau d’organisations est maintenant porté par des hommes. Il s’agit selon moi d’un exemple inspirant de contribution des hommes à la lutte pour l’égalité des genres, une avenue prometteuse dans la lutte féministe.
Marche mondiale des femmes 2015 et l’Assemblée des femmes
Toutes les rencontres et activités reliées à la
Marche mondiale des femmes 2015 nous ont également montré la globalité de ce mouvement de solidarité entre les femmes, né au Québec à l’initiative de la Fédération des Femmes du Québec à la suite de la Marche du Pain et des roses de 1995. Une quinzaine d’ateliers et de conférences en lien avec la MMF ont eu lieu durant le Forum, s’ajoutant à toutes les activités liées aux droits et conditions de vie des femmes également au programme (
http://registration.fsm2015.org/wsf2015). Notamment,
l’Assemblée des femmes nous a bien montré la présence de représentantes militantes féministes de différentes régions du monde venues montrer leur solidarité à toutes les femmes, et la convergence des luttes des femmes à travers le monde.
Assemblée des femmes
Le soleil de Tunis, souvent absent pendant le Forum, a été bien remplacé par l’accueil si chaleureux des Tunisiennes et Tunisiens, tellement heureux de voir la solidarité des gens venus d’ailleurs quelques jours après l’attentat terroriste du musée du Bardo (attentat revendiqué par l’État islamique du 18 mars 2015)
Je vous laisse sur la photo d’un militant que j’ai rencontré, qui incarne pour moi la force du militantisme présent au Forum. Ali Al-Bazzaz, citoyen de Barheïn, pays où ont eu lieu de nombreuses manifestations lors du Printemps arabe, défend les droits humains dans son pays à travers la caricature. Ali m’a laissé sur les paroles suivantes :
« My cartoons are my weapons to get democracy in Bahrain ».
Des luttes inspirantes aux quatre coins du monde!
Ali Al-Bazzaz