Elle aime se présenter comme «ingénieure agronome» par l’expérience acquise et on la croit. De par ses fonctions, elle est souvent amenée à s’exprimer en public et elle est très à l’aise de le faire, cela même devant le Président de la République.
Motivée par son désir d’apprendre et de commercer, dès sa sortie de l’école, elle passe à l’action. Elle va au fleuve, pêche du poisson, le fait frire et le vend.
Puis, au début des années 80, alors qu’elle n’est encore qu’une adolescente, elle crée des petits commerces. En 1986, elle se lance dans la couture et fonde une entreprise de sachets d’eau glacée.
En 1987, elle devient membre de l’Amicale Socio-éducative, Sportive et Culturelle du WALO (ASESCAW). Cette association appuyée par la coopération Italienne et Espagnole donne des formations en leadership, gestion et plaidoyer auxquelles elle participe. Ce n’est qu’en 1989-90 qu’elle devient productrice de riz avec seulement 2 ha. Fidèle dans ses engagements, elle est toujours membre de l’ASESCAW et en assume encore la responsabilité de trésorière.
En 2006, avec l’appui de l’État, elle fonde l’Alliance pour le Développement et la Promotion de la Moyenne Entreprise
Deux années plus tard, grâce à la Plateforme des Initiatives du Nord (PINORD) qui est appuyée par la coopération internationale (OXFAM GB puis OXFAM NOVIB), Mme DIAW participe aux formations en dynamique organisationnelle et en gestion financière qui lui donneront les connaissances nécessaires pour gérer la production du riz sur 10 ha et lui permettront aussi d’avoir accès à un fonds de démarrage d’entreprise.
En 2013, elle fonde le Réseau des femmes agricultrices du Nord (REFAN). Elle en est la Présidente depuis la fondation. Le REFAN compte 10 000 femmes membres auxquelles il donne des formations orientée vers la création d’entreprises. À ce jour plus de 40 entreprises en agriculture, élevage et pêcherie ont été créées dans la région couverte entre St-Louis et Bakel, un immense territoire.
L’objectif visé est de 1000 entreprises créées et de 5 fermes de 100 ha pour les femmes, une par département à l’exemple de celle de Diama près de Dagana dont le maire a accepté le projet et attribué les 100 ha de terre requis .
Aujourd’hui, elle produit du riz sur plus de 100 ha, du maraichage (tomates, oignons) sur 30 ha et elle est à la tête d’une unité de transformation du riz.
Pour la gestion, elle est appuyée par 4 personnes dont 2 de ses fils. La production nécessite 5 employés permanents et 25 employés occasionnels tandis que pour la transformation, il lui faut 12 employés permanents répartis sur 2 quarts de travail. Le nombre d’employés peut varier selon les besoins.
Les bénéfices de l’entreprise sont répartis de la façon suivante: un tiers va en bonus aux membres et deux tiers sont réinvestis dans l’entreprise.
Mme DIAW produit du riz de qualité, qu’elle transforme elle-même mais la quantité produite n’est pas suffisante pour faire tourner son unité de transformation en continu.
Pour y arriver, le défi est de taille et sur 2 plans. D’abord il faut obtenir les crédits pour acheter le paddy (riz non transformé) et ensuite il faut s’assurer de la qualité du paddy.
Pour obtenir les crédits, grâce à un plan d’affaires solide, dès 1991, elle réussissait à obtenir un prêt de 1 800 000 Fcfa(environ 4 000$ Can.) de la Caisse Nationale de Crédit Agricole du Sénégal (CNCAS) mais maintenant, sa réputation est faite et elle peut emprunter jusqu’à 30 millions de Fcfa (plus de 65 000$ Can.) par campagne donc 2 fois par année. Les conditions d’emprunt sont complexes, il faut parfois de la chance pour arriver à rembourser mais elle réussit toujours parce qu’elle connaît son métier et contrôle rigoureusement les opérations. Comme elle dit, «Je diminue les charges et je vis simplement».
Pour s’assurer de la qualité du paddy qu’elle achète, elle a mis sur pieds un comité formé de trois personnes qui vont vérifier la qualité de la production sur place avant de conclure l’achat.
Seule, elle n’y arriverait pas car elle doit garder le contrôle sur toutes les étapes à partir de la production en passant par la transformation pour terminer par la commercialisation.
Plusieurs partenaires dont le projet Nataal Mbaye de l’USAID l’appuient depuis 2012 dans la mise en place de cette chaîne de qualité.
Question production, elle reçoit l’aide de la Société d’Aménagement et d’Exploitation des terres du Delta et de la vallée du fleuve Sénégal (SAED) par l’entremise de conseillers agricoles qui réalisent des contrôles techniques afin que le calendrier cultural soit respecté.
De plus, elle s’est associée à l’Aide américaine au développement international (USAID) ce qui lui a permis d’acquérir une machine contrôlant le taux d’humidité et le taux de rendement lors du processus de transformation. Bientôt, elle espère avoir accès à une nouvelle machine permettant de vérifier le niveau de sucre dans le paddy. C’est important car on sait que le riz produit au Sénégal est plus frais et qu’il contient moins de sucre que le riz importé. Pour la santé il est donc meilleur et convient mieux aux consommateurs qui par exemple souffrent du diabète.
L’entreposage du riz pose souvent problème si on vise la qualité. Pour y remédier, elle a reçu une aide de l’Agricultural Development Found (ADF) filiale de l’USAID qui a construit un magasin de stockage d’une capacité de 400 tonnes de riz blanc sur le site de son unité de transformation à Richard Toll.
Tout comme pour les formations dont elle peut avoir besoin, Mme DIAW sait aller chercher les ressources dont a besoin son entreprise pour progresser.
Pour la commercialisation, elle a créé son propre label le «KORKARICE».
Le cumul de ces mesures fait qu’elle n’a aucun problème pour la vente de son riz car son label appuyé par des contrôles de qualité est synonyme d’excellence.
Bien qu’elle sache qu’en principe l’État est favorable aux producteurs, elle voudrait que le gouvernement impose des quotas aux importations afin d’éviter que les importateurs, par des pratiques de «dumping», viennent casser les prix temporairement pour faire tomber les producteurs afin de conserver leur emprise sur le marché.
Mme Korka DIAW est une femme établie maintenant. Si on lui pose la question à savoir s’il est plus difficile pour une femme de se lancer en affaire, elle répond oui. Il lui a fallu 2 ans pour convaincre son mari et finalement elle a dû prendre en charge toute la famille.
À ce moment-là, ce n’était pas possible pour une femme d’avoir son entreprise. Ce fût un cheminement de 30 ans. D’abord, 10 ans pour acquérir les connaissances, suivre les formations, prendre de l’expérience et 20 ans de travail acharné à gérer rigoureusement son entreprise. Elle est connue et reconnue. En juillet dernier, elle a reçu du Président de la République, l’Ordre du Mérité National pour son apport à la réalisation des objectifs du Plan Sénégal Émergent (PSE) et en décembre dernier, elle a été de la sélection des 50 personnalités qui ont fait l’année 2016 aux côtés de ministres et d’autres décideurs de marque.
Mme DIAW ne s’arrête pas. Ses projets d’avenir sont nombreux. Elle veut continuer de créer, démarrer une autre unité de transformation, travailler à l’augmentation du nombre de parcelles cultivables, créer des emplois pour les jeunes…d’ailleurs, elle vient d’être nommée Ambassadrice des jeunes.
Son message à leur endroit est simple: «Aller doucement, se fixer des objectifs, y croire».
Elle leur conseille de venir dans l’agriculture, de respecter le calendrier cultural, les normes de qualité. Bien travaillée, «La terre ne ment pas». Elle les encourage à créer leur entreprise.
Mme Korka DIAW, une femme d’action, une femme forte, une femme déterminée. Un modèle d’identification fort pour les femmes, pour les jeunes, pour les hommes!
Bravo Mme DIAW et bonne suite.