Témoignage
Les enjeux de genre au Guatemala
Au pays de l’éternel printemps, les inégalités économiques ainsi que les inégalités de genre semblent avoir diminué au cours des quinze dernières années 1. Cependant, le Guatemala demeure l’un des pays d’Amérique Latine au plus faible taux d’activité économique des femmes. Officiellement, elles ne représentent que 35 % de la population économiquement active. Ces inégalités s’accentuent dans les zones rurales, dans lesquelles la participation des femmes au marché du travail y est encore plus faible 30,2 % contre 88 % chez les hommes 2. Cependant, ces chiffres ne prennent pas en compte la charge de travail informel non-rémunéré et le travail domestique réalisés par les femmes qui est plus de 3 fois supérieur à celui des hommes dans la région selon les données du PNUD 4. Les normes et traditions genrées au niveau des ménages ayant un poids significatif, les femmes sont encore victimes de nombreuses discriminations dont : salaires inégaux, discrimination à l’embauche, difficulté d’accès à la propriété et aux facteurs de production, etc. Elles rencontrent des difficultés à s’intégrer aux processus économiques, obtenir un emploi légal ou des crédits, et ainsi prendre part aux décisions sur le plan économique et politique, limitant leur capacité à agir. L’exclusion et le racisme ont été la source d’une forme systémique de violences et de discriminations qui nuit à la pleine participation des femmes au développement et contribue à perpétuer les inégalités territoriales, ethniques et sexospécifiques.
Les femmes face aux défis climatiques
De l’autre côté, le Guatemala compte parmi les 10 pays les plus affectés par le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes dans le monde 3. Les préoccupations environnementales y sont nombreuses : pollution (conséquences entre autres des industries extractives et hydroélectriques), déforestation massive et expansion des monocultures, érosion des sols, inégale répartition des ressources en eau douce et faiblesses dans le traitement des déchets et des eaux usées, pour n’en citer que quelques-unes. Ces phénomènes participent à accentuer la vulnérabilité des populations face aux catastrophes naturelles qui, en outre, se sont intensifiées et sont de plus en plus fréquentes. La faible capacité d’adaptation au changement climatique - dit de résilience climatique - des populations réduit davantage les perspectives économiques et contribue à aggraver la pauvreté, l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Les phénomènes climatiques aggravent les inégalités et perpétuent les schémas d'exclusion. Les populations les plus vulnérables, en particulier les enfants et les femmes, sont touchées de manière disproportionnée. Si les femmes ont comparativement un accès moindre aux terres, aux ressources agricoles, à la propriété, à l'achat et à l'utilisation d'engrais et de semences, elles détiennent également moins d'accès aux informations concernant les changements climatiques et moins de pouvoir de décision sur les questions agricoles, ce qui les désavantage par rapport aux hommes lorsque les ressources naturelles viennent à diminuer. Le changement climatique peut affecter les revenus des femmes, leur éducation et leur accès aux ressources, aux technologies et à l'information. En outre, les écarts entre les sexes, en particulier dans le domaine agricole, entravent les résultats des programmes et politiques d'atténuation des effets du changement climatique et de protection de l’environnement. Une plus grande participation des femmes dans la gestion des ressources naturelles et des réponses aux catastrophes peut améliorer l'efficacité et la durabilité des politiques et des projets 4.
La politique de genre au sein du gouvernement
Afin de favoriser la prise en compte des femmes dans les problématiques publiques, le gouvernement guatémaltèque s’est doté de diverses politiques publiques, stratégies et plans nationaux pour éliminer les inégalités entre les sexes et les groupes ethniques. Parmi elles, on retrouve la politique nationale pour la promotion et le développement intégral des femmes 2008-2023 (PNDIM) et plusieurs politiques institutionnelles qui visent à changer les pratiques au sein même des ministères. Dans ce cadre, le gouvernement s’est doté depuis 2015, d’Unités de Genre dans tous les ministères.
Au Ministère de l’Environnement (MARN), l’Unité de Genre existe dans les faits depuis déjà plus d’une quinzaine d’années, il s’agit de la plus ancienne Unité de Genre au sein d’un ministère au Guatemala. Il s’agit aussi de la seule Unité de Genre qui dispose de fonds propres et d’un budget annuel attribué par le Ministère. Les deux employées de cette Unité constituent un personnel permanent, ce qui permet d’assurer le suivi des réformes sur le long terme. Cependant, l’Unité de Genre du MARN forme une exception au sein des différentes Unités de Genre du gouvernement.
À travers la création des Unités de Genre, le gouvernement a voulu aligner sa politique sur les Objectifs du Développement Durable, afin de répondre aux exigences internationales et à l’Agenda 2030 de l’ONU. Cependant, ces institutions consacrées à l’autonomisation des femmes ont des capacités limitées pour mettre en œuvre les politiques existantes en la matière. En effet, les Unités de Genre sont financées par la communauté internationale. Les fonds internationaux perçus par le Guatemala et les exigences internationales peuvent fluctuer significativement d’une année à l’autre, rendant difficile l’établissement d’un budget sur le long terme pour les Unités de Genre des ministères.
Conclusion
La communauté internationale joue encore un rôle non négligeable dans l’intégration de la perspective de genre au sein des politiques, nuisant à la souveraineté du pays sur ces questions. Parmi les perspectives d’avenir, pourraient être considérés le renforcement des capacités des travailleur-e-s au sein des administrations, la conception de campagnes de sensibilisation massives sur les sujets de genre et de climat, l’exigence de budgets nationaux qui viendraient compléter les budgets internationaux. Finalement, il s'agirait de transiter vers des pratiques de gouvernance qui considèrent le genre de manière systémique et transversale, par le choix de budgets cohérents à moyen et long terme, un suivi inter quinquennal des réformes et la consolidation des structures de coordination interministérielles et inter unités et la mise.
_____________
Références :