Témoignage

La Pachamama

Bolivie
Publié par : Tara Orange

En Bolivie, le mois d'août représente pour le peuple Aymara la présence et la bienvenue de la Pachamama, ce que nous, au Canada, connaissons comme la Mère Nature. Le peuple Aymara est un des nombreux autochtones présents dans le plateau Andean de la Bolivie, le nord du Chile, et le sud-est du Pérou. Leur présence, culture, et histoire dans cette région est très riche, datant d’avant les temps précolombiens. Parcontre, comme beaucoup de groupes autochtones autour du monde, leur territoire et puissance ont été fortement réduits avec la période de colonisation, et le peuple Aymara a été sujet à plusieurs injustices comme le racisme et la marginalisation à travers les années, et ont dû parcourir d’immenses obstacles pour avoir leur culture, leur philosophie, et leur histoire reconnue dans l'état plurinational de la Bolivie.

Cette période de recevoir la Pachamama est un exemple de la forte présence que le peuple Aymara occupe, et est marqué par différentes cérémonies et pratiques pour remercier la Pachamama, et lui demander des bénédictions, comme la santé, la richesse, le bien-être, la paix, etc. Ces demandes se font durant une cérémonie qui s’appelle la Challa, durant laquelle des familles, des amis, ou bien même des collègues de travail se réunissent pour faire une offrande à la Pachamama. La Challa peut se faire de différentes manières, mais ce qui est essentiel pour l’offrande sont la feuille de Coca – une plante native de la Bolivie très importante dans la culture et l’esprit Aymara – l’alcool de canne à sucre, et le vin rouge. Additionnellement, on peut y ajouter du sucre, des fleurs, ou bien même des petites pièces – des fois faites de sucre aussi – sur lesquelles sont écrits nos vœux. De plus, dans la culture et l’histoire Aymara, le mois d'août représente une période d'incertitude, de malchance, et même de danger. Célébrer la Pachamama et faire sa Challa assure qu’on est protégé par la Pacha durant ce mois, et qu’elle nous guide vers un avenir sûr et fiable.

Ma première Challa fut dans le bureau du CECI à La Paz, le 1er d'août, avec mes collègues de travail. La Challa peut se faire n’importe où, mais il y a certaines règles qui doivent être suivies durant la cérémonie. Premièrement, chaque personne doit choisir douze feuilles de Coca et les placer dans le plat d’offrandes. Ensuite, se place autour du foyer – s’il y en a une – chaque personne vers l’alcool et le vin rouge avec la main droite dans les quatre coins, chacune représentant les quatre éléments: le feu, l’aire, l’eau, et la terre, toute en récitant nos vœux (ceci peut se faire à la voix haute, ou bien en soit même). Il est aussi important de toujours faire face à l'est, où se lève le soleil, pour saluer la Pachamama. Lorsque tout le monde verse l'alcool et le vin, et récite leurs vœux, on allume le feu. Allumer le feu sert à bien envoyer l’offrande à la Pachamama; plus le feu est grand, plus l’offrande est acceptée par la Pacha. Lorsque le feu s’est éteint, et les offrandes acceptées par la Pachamama, des cendres sont placées dans un plat et passées de personne à personne pour souhaiter leur bien-être et l’accomplissement de leurs vœux.

La manière de faire la Challa peut varier de personne en personne, de famille en famille, de communauté en communauté. Ma deuxième Challa fut durant une visite à la Valle de las Animas, la Vallée des Esprits. J’ai passé cette Challa avec mes amis, assis ensemble au sommet de la vallée. Chacun a choisi ses quatre feuilles de Coca, a murmuré leurs vœux, et les a ensuite placées sous une petite pierre. On a ensuite fait le même rituel de verser l’alcool et le vin, mais au lieu d’un feu, on avait des petites chandelles rouges, pour représenter l’amour. Sur la mienne, j’ai gravé les noms de mes grands-parents, mes parents, et mon frère, pour demander à la Pachamama de ressentir mon amour pour eux et de les protéger. En descendant la vallée après notre cérémonie, nous avons vu un aigle voler autour de nous, ce que mon amie Aymara, Jimena, nous a dit était un signe que la Pachamama nous avait vu, et reçu nos vœux.

Comme étrangère, j’ai trouvé cette cérémonie très émouvante et spirituelle, me sentant plus rapprochée et en ligne avec la nature et l'environnement autour de moi. En entrant dans la vallée, on nous a expliqué que chaque étranger qui entre doit demander la permission a la Pachamama, comme cette terre, ni ces arbres ou rivières ou pierres, ne nous appartient pas. Comme un petit souvenir, j’ai rapporté un petit quartz que j’ai trouvé en chemin. Ayant demandé la permission de la Pachamama, j’ai voulu garder quelque chose qui me rappellerait de cette expérience, et me garderais auprès de la Pachamama. Être invitée à ce type d'expérience, comme étrangère, m’a rendue très émue, et reconnaissante de la chance et du privilège de pouvoir partager des moments aussi puissants. De travailler dans un autre pays signifie aussi de connaître son histoire et sa culture, et avoir pu participer dans une pratique de telle importance dans la culture Aymara sera pour moi un moment inoubliable.

Restez informé·e·s

Inscrivez-vous à l’infolettre et soyez les premier·ère·s informé·e·s !