Histoire de réussites
Lorsque j’ai su que j’avais été sélectionnée par l’AQOCI pour faire partie de la délégation jeunesse à la COP28, j’étais toujours en Bolivie. Je me suis dit, quel paradoxe.
Quel paradoxe parce que :
L’objectif n’étant pas de faire des comparaisons bidons, mais de reconnaître que ce paradoxe m’a forcée à réfléchir et me questionner.
Pourquoi ne pas transformer le paradoxe en moyen d’action? J’étais toujours en Bolivie pour quelques semaines, pourquoi ne pas m’imprégner des revendications d’ici et les transporter avec moi jusqu’à la COP?
Personne n’est aussi bien placé que les personnes boliviennes elles-mêmes pour parler de leurs revendications en lien avec la lutte aux changements climatiques, mais ma participation à la COP peut servir à élever la voix des personnes les plus vulnérables de ce pays, en particulier les femmes.
D’abord, en discutant avec plusieurs personnes sur le sujet, dont des personnes avec qui j’ai travaillé à la mairie de La Paz, j’ai tenté de comprendre la perception qu’a la population des droits autochtones accordés par la Constitution. J’ai appris qu’il existait deux types d’appartenance à une communauté autochtone : l’appartenance due à l’hérédité et le sentiment d’identification à une communauté. Certaines personnes boliviennes peuvent se considérer comme appartenant à une communauté autochtone par leur attachement à celle-ci, en raison de leur culture, de leur amour pour cette culture. La dichotomie entre personnes autochtones et non autochtones est par conséquent beaucoup moins flagrante, voire peu importante.
Ensuite, j’ai eu la chance de discuter avec des personnes œuvrant au sein de la Plateforme bolivienne contre le changement climatique, un réseau national de 49 organisations sociales et institutions de la société civile. Plusieurs prises de position et revendications sont ressorties de ces discussions. Notamment, l’importance de la multidisciplinarité des personnes qui assistent aux conférences internationales, la responsabilité différenciée des pays face à la crise climatique et l’urgence de revoir le modèle du financement climatique.
Sur ce dernier point, crucial, j’en ai conclu qu’il était grand temps de confier aux pays du Sud global la gestion de ce financement qu’ils reçoivent, afin que ces ressources financières servent à combler leurs besoins en adaptation aux changements climatiques. Le modèle actuel de marché du carbone et de financement climatique entre en conflit avec les façons de faire des communautés locales et restreint l’utilisation de leurs propres ressources, alors que ce modèle est financé par des pays qui se permettent de continuer à émettre des gaz à effet de serre sans parvenir à les réduire significativement.
Il est temps de concevoir un mécanisme qui donne aux communautés des pays vulnérables les outils pour restaurer leurs propres milieux et en faire une gestion durable, par elles-mêmes. Par exemple, beaucoup de ressources naturelles en Bolivie pourraient être au cœur d’une gestion durable et générer de la valeur, tout en laissant aux différentes communautés boliviennes la possibilité de prendre soin de la nature en accord avec leurs traditions et façons de faire.
Bref, au-delà de ces paradoxes et injustices qui se répètent d’année en année aux COP, en tant que société civile, nous avons tout de même cette possibilité et ce devoir de parler haut et fort pour les communautés les plus vulnérables et marginalisées qui n’ont pas toutes le privilège d’être présentes. Faisant partie de celles et ceux qui y seront, je me donne ce devoir de revendiquer pour et aux côtés de ces personnes, et de rappeler aux gouvernements des pays développés, le Canada en premier, qu’il est grand temps de réparer les injustices créées par notre modèle de surconsommation pleinement assumé.