« Mon souhait le plus cher était de devenir médecin, je suis plutôt devenue juriste. Je panse tout de même des blessures, mais elles sont d’un autre ordre! »
Si Oumou est rendue où elle est aujourd’hui, c’est que très tôt dans sa vie, elle a su user de détermination pour déjouer le sort qui lui était réservé à titre de jeune fille dans un milieu rural. Destinée à ne pas avoir accès à la scolarisation dans son petit village, Oumou s’est battue dès son plus jeune âge pour convaincre son père de l’envoyer à l’école, mais en vain. Sa famille ne bénéficiait pas des moyens nécessaires pour l’envoyer dans le village le plus proche où il y avait un établissement scolaire.
Dans le village de Dialakoni, près de Kita, Oumou a passé une enfance aisée jusqu’au jour où son père, devenu aveugle, n’a pu continuer de travailler pour faire vivre sa famille et ainsi envoyer les enfants à l’école. Dès lors, elle a décidé qu’elle ferait tout pour devenir médecin afin de le guérir. Un jour, un oncle habitant Bamako a demandé à ce qu’Oumou rejoigne la famille comme enfant adoptive afin d’aider sa tante dans ses tâches domestiques, chose courante ici. Après un an de travail acharné et de demandes insistantes, Oumou se fait inscrire dans une école privée par son oncle. Elle devient ainsi la première fille de sa famille et, par le fait même, de tout Dialakoni à aller à l’école. Durant tout son cursus, elle demeure première de classe, ce qui lui permet ensuite de décrocher des bourses pour poursuivre au niveau universitaire.
Après une formation juridique et administrative, Oumou se tourne vers le milieu des ONG où elle met sur pieds divers projets d’éducation à la citoyenneté, notamment en offrant des formations en milieu rural sur les droits humains et les politiques nationales en matière de santé, de justice et d’éducation. Elle anime aussi des émissions de radio sur la question des droits fondamentaux et voyage pour assister à des conférences sur le droit des femmes dans le monde.
Bien qu’elle ait voyagé, partout au pays, et à l’extérieur, Oumou est toujours retournée créer des projets de développement économique et des séances d’éducation à la citoyenneté dans le village qui l’a vu naitre. C’est dans le cadre d’une rencontre portant sur l’éducation des jeunes filles qu’elle réussit à s’allier les autorités afin de convaincre les chefs de famille de l’utilité de scolariser leurs filles. Devant l’exemple d’Oumou qui grâce à son éducation a su faire plus que n’importe qui pour son village, les ménages ont commencé à envoyer leurs filles à l’école. Et, vous savez, des femmes instruites veulent que leurs filles fréquentent aussi les bancs de l’école. Et c’est exactement ce qui s’est passé comme effet d’entraînement à Dialakoni: Oumou, première jeune fille scolarisée du village, a permis à une bonne centaine de jeunes filles d’aller à l’école.
Oumou a aussi créé sa propre ONG, PROMODEF, qui est membres du Réseau national d’appui à la promotion de l’économie sociale et solidaire où j’effectue mon mandat. Bien entendu, elle continue de promouvoir les droits des femmes et des enfants. « Tu sais, une seule personne avec beaucoup d’ambition et une capacité de mobilisation peut changer beaucoup de vies, même avec le plus petit projet.»
Crédit photo : Ibrahim Youssouf Koné